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ATTENTION ET PATIENCE
Si nous ne pouvons être patients, nous ne pouvons être
compatissants. Si nous sommes incapables de supporter notre propre
souffrance, nous sommes incapables de comprendre la souffrance avec les
autres. Si nous ne sommes pas ouverts à notre propre souffrance, si nous ne
sommes pas prêts à assumer notre souffrance, nous n'aurons pas beaucoup
d'empathie pour la souffrance des autres. La patience est la capacité de voir, d'entendre, de
goûter, et de sentir, aussi pleinement que possible les événements de notre
vie sans combattre. C'est avoir les yeux grands ouverts et être réellement
conscient de ce qui est en train de se passer, sans résister. Il est très
difficile d'être patient, car cela va à l'encontre de nos réflexes impulsifs
qui sont en général de fuir ou de lutter. La patience requiert d'aller au-delà de la fuite et de la
lutte. Elle demande de la discipline pour faire face à nos impulsions. Elle
implique d'être avec nos expériences présentes quelles qu'elles soient. Par
conséquent il y a une grande similitude entre la patience et l'attention qui
se nomme sati en pali. Patience, équanimité, non-jugement, ces qualités font
partie de l'attention. Si elles ne sont pas présentes, l'attention n'est pas
une réelle attention, une attention authentique. On ne peut pas avoir une
attention qui juge. Ce n'est pas l'attention. La patience est l'une des
qualités intrinsèques de l'attention. Comment pouvons-nous définir l'attention ? C'est la capacité à se relier aux choses de façon intime,
avec équanimité et avec un esprit dénué d'attachement et d'identification.
C'est difficile à comprendre du point de vue de l'ego. Pour développer
l'attention, il faut une énorme patience. Par exemple lorsque nous sommes
tristes nous avons l'habitude de réagir de façon conditionnée et avons
tendance à être submergés par la tristesse, à nous identifier à la tristesse,
nous pouvons nous décourager ou bien être irrités, ce qui augmente le pouvoir
et la force de la tristesse. Ceci est notre réaction habituelle. La tristesse
est alourdie, est aggravée par nos réactions et notre aversion. Cela provient
de notre ignorance. Si nous observons attentivement la tristesse, nous la
rendons plus accessible à notre compréhension. Nous pouvons nous rendre
compte du grand pouvoir de nos habitudes de réagir d'une certaine façon.
Voilà pourquoi nous nous devons de changer nos habitudes négatives grâce à la
pratique, car elles sont comme des intoxicants, elles génèrent beaucoup de
souffrance. Si nous observons encore plus précisément, nous pourrons
apercevoir notre tendance à investir une énorme énergie pour nous débarrasser
de la tristesse, ce qui permettra de nous libérer de cette tendance. En général nous pensons, nous jugeons, nous réagissons
pour nous débarrasser de ce sentiment désagréable qu'est la tristesse. En
fait ceci est de la totale non-acceptation de la tristesse ou de l'aversion
envers la tristesse. Une grande quantité d'énergie est déployée et perdue
pour ce désir de s'en débarrasser. Nous pouvons nous souvenir de l'enseignement du Bouddha
au sujet des deux flèches : quelqu'un reçoit une flèche à la jambe et il
souffre physiquement. Mais il souffre aussi à cause de la seconde flèche. La
seconde flèche est la forte propension à réagir mentalement par rapport à la
souffrance physique. La première flèche est la douleur et la seconde flèche
est l'aversion pour la douleur, qui devient le plus grand problème et la plus
grande souffrance. La douleur physique est bien moins pénible que cette
souffrance mentale engendrée pour se débarrasser de cet état mental
déplaisant qu'est l'aversion. C'est le plus grand problème. Pourquoi ? Parce que ce désir est une énergie qui nous tient
éloignés de l'expérience directe elle-même, il nous sépare de la vérité de la
douleur. Ce désir s'intercale au milieu, il empêche de percevoir réellement
la douleur, de voir à quoi elle ressemble véritablement. Au lieu de nous ouvrir à la douleur, nous nous fermons.
Cette fermeture est la seconde flèche. C'est le problème. Nous agissons de la
sorte constamment. Nous nous heurtons aux événements, nous résistons. Nous
créons nous-mêmes des problèmes. Nous envenimons les choses, et ce n'est pas
la réalité. La réalité était au départ seulement la douleur physique et nous
y ajoutons la colère, la peur, la frustration, l'aversion. Ce ne sont pas
seulement des pensées ou des émotions, c'est de l'énergie, une grande
quantité d'énergie. C'est la principale cause de la souffrance due à notre
ignorance. Nous ne sommes pas avec la réalité de notre souffrance.
C'est une façon de réagir qui est conditionnée par notre impatience liée à la
non-acceptation. Quelle que soit la nature de notre souffrance, nous désirons
l'échanger contre une autre moins inconfortable, moins désagréable. Nous
voulons échapper à l'ici et
maintenant aussi vite que possible. À quoi ressemblerait une réaction à la douleur patiente,
attentive et consciente ? Tout d'abord nous donnerions toute notre énergie à
l'attention elle-même. Nous serions immédiatement conscients de ce qui est en
train de se passer. Nous commencerions à nous réveiller et aurions une
perception directe de la douleur. Pour y parvenir nous devons nous intéresser
à la douleur. L'attention devient une habitude, un instinct. C'est
comme par exemple pour la nourriture, nous savons quand nous avons faim que
nous devons manger, c'est un instinct. De la même façon, au fur et à mesure
que nous pratiquons, nous savons que nous avons besoin de l'attention pour
mieux vivre. Cela devient un instinct. Nous réalisons que plus nous avons
d’attention, mieux nous vivons. Nous sommes accoutumés à penser et à agir. Nous aimons
lire et parler de l'attention. Mais l'attention naît de la contemplation
quand nous regardons et sommes conscients, quand nous ne jugeons pas, sommes
équanimes. Cette fois-ci quand la douleur apparaît, nous voulons la
rencontrer, l'expérimenter, devenir intime avec elle. Nous voulons entrer en
relation avec elle. Elle devient notre centre d'intérêt. Nous ne souhaitons
pas avoir une expérience différente ou nous trouver dans une autre situation.
Nous restons dans l'instant présent et regardons la douleur qui est notre
réalité, nous lui faisons face calmement. Nous ne cherchons pas à l'esquiver, à la fuir. Nous ne
nous mettons pas en colère, nous ne la repoussons pas. Nous ne déployons pas
une énorme quantité d'énergie en colère, tristesse, peur et aversion. Nous
utilisons plutôt notre énergie disponible pour la rencontrer et la regarder
patiemment. Nous pourrons nous rendre compte de nos réactions
éventuelles d'aversion et serons alors capables de les abandonner, de lâcher
prise, car quand nous les percevons, elles disparaissent. Dès lors que nous
ne sommes pas attentifs, nous sommes en train de penser, de juger et de
réagir et ne sommes pas dans l'instant présent. Lorsque nous sommes attentifs, nous nous trouvons dans
l'instant présent, conscients et ouverts à ce qui se passe dans notre esprit
et dans notre corps, nous identifions les pensées, les émotions, les
sensations physiques. Avec la pratique, nous ne souffrons que d'une flèche au
lieu de deux. C'est dire que notre souffrance diminue considérablement. Notre
mode de fonctionnement et nos réactions changent. Nous sommes poussés par l'instinct
de voir, de connaître et de comprendre, au lieu de rejeter. Nous sommes
simplement avec ce qui est et nous désirons même apprendre plus. Nous
contemplons patiemment nos douleurs qui deviennent des invitations à la
pratique. C'est en fait une rééducation. En ne résistant plus contre les choses que nous ne
trouvons pas à notre goût, nous pouvons enfin trouver la paix, et l'énergie
ainsi disponible peut être utilisée à bon escient, pour des actions
positives. Nous expérimentons la joie de vivre le moment présent. |
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