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L’IMPERMANENCE
On peut prendre conscience de
l'impermanence (anicca) grâce au temps qui passe. Une année pousse l'autre dans
une ronde continue, les mois comme les jours se succèdent les uns aux autres.
Il y a eu le moment qui était ce matin et c'est déjà cet après-midi, l'heure
précédente est déjà passée, et les minutes et les secondes s'envolent. Ainsi,
tout le temps s'écoule d'instant en instant, dans une fuite que personne ne
peut retenir. Nous pouvons également prendre
conscience de l'impermanence par les variations des saisons. Les
transformations de la nature, les couleurs qui changent, les saisons qui se
succèdent nous montrent que rien ne dure et que tout se transforme
perpétuellement. Le soleil et la lune se lèvent et disparaissent, et
lorsqu'ils se couchent il est impossible de les retenir ne serait-ce qu'un
instant ; on ne peut que les regarder disparaître. Tout comme l'univers, les êtres sont
soumis à cette impermanence. L'existence de tout être commence par la
naissance, se poursuit par la vieillesse, la maladie et la mort. Tous les
êtres sont soumis à cette loi. Ainsi, tout est impermanent comme
l'onde sur l'eau, le flot qui s'écoule sans jamais pouvoir être retenu.
D'instant en instant tout change. Si nous considérons les êtres qui vivaient
il y a de nombreuses années, combien en reste-t-il maintenant ? On s'aperçoit que ce sont des êtres
nouveaux qui sont là maintenant, et que ceux qui vivaient il y a par exemple
cent ans ont disparu, et d’un petit enfant ou d’un vieillard, on ne peut
savoir lequel décèdera le premier. Tout est ainsi, tout est appelé à
disparaître. De tous les phénomènes conditionnés aucun ne demeure
durablement. Il est impossible qu'une chose produite d'une cause relative
puisse durer en tant que telle. Tout ce qui est conditionné, tout ce qui
naît, dès l'instant où il naît est voué à la mort. Tout ce qui est produit
sera un jour détruit. Tout ce qui commence par une naissance
se termine par la mort, tout ce qui s'élève décline, tout ce qui est réuni
finit par être séparé et il n'existe aucun moyen de l'empêcher. Même les Bouddhas et tous ceux qui ont
obtenu des accomplissements sublimes doivent un jour laisser leur corps
physique. Les êtres les plus puissants, ceux qui règnent sur des empires, que
reste-t-il d'eux au moment de la mort ? Quels qu'aient été leur puissance et
leur rayonnement, ils meurent. Les menaces qui pèsent sur la vie sont
innombrables. Cette existence humaine est comme une bougie exposée en plein
vent, nul ne sait à quel moment elle va s’éteindre. Le moindre mouvement de
l'air peut, d'un instant à l'autre, l'éteindre complètement. Quels que soient nos efforts, ils ne nous
conduisent nulle part ailleurs qu'à la mort. Le condamné à mort connaît le
moment du châtiment inéluctable et la mort qui est sa seule destination. Nous
sommes tous dans l'état de condamné potentiel puisque chaque année, chaque
mois et chaque jour qui s'écoulent nous rapprochent du moment où nous devrons
comparaître devant la mort. A cet instant-là, nous n'aurons plus aucun moyen
de nous en protéger et tout ce que nous aurons pu accumuler ne nous sera
d'aucune aide. Seul le Dhamma nous sera utile au moment de la mort. Il nous faut comprendre dès maintenant
cette imminence. De la même manière que le soleil disparaît derrière la crête
de la montagne, il n'existe aucun moyen de retarder cette échéance ou de
faire marche arrière. On ne peut que suivre le cours du temps et c’est un
miracle d’avoir obtenu une renaissance humaine car cela requiert de réunir
d’énormes conditions favorables et cela est extrêmement rare. Au moment de la mort nos amis, même
s'ils sont très nombreux, ne pourront nous aider, et c'est seul que nous
devrons partir dans cet instant douloureux. Toutes nos possessions, aussi
multiples soient-elles, devront rester derrière nous, nous n'aurons aucune
possibilité de les emporter et il nous faudra partir les mains vides. Nous
devrons partir seuls, sans ami, sans aucun de nos biens, et nous devrons
errer seuls dans cette expérience, dépourvus de tout allié, sans aucun moyen
de nous préserver ni aucune possibilité de rejeter sur d'autres nos
souffrances. Tous les maux dont nous serons affligés ne seront là que pour
nous-mêmes et n'incomberont qu'à nous seuls. A ce moment-là, devant le miroir de
notre kamma, nous ne pourrons pas mentir. Nous verrons très clairement le
reflet de nos actions passées et nous pourrons en juger de façon lucide,
ayant tout le loisir de reconnaître nos actions négatives antérieures, mais
il sera trop tard pour le regret. Si à ce moment là, nous rendant compte de
la futilité et de la vanité de toutes nos actions impropres, nous souhaitons
ardemment pratiquer la vertu, nous ne pourrons ni l'acheter, ni l'emprunter
et nous serons incapables de la trouver. Nous comprendrons alors très
clairement à quel point nous nous sommes abusés et combien futile fut notre
vie. La brûlure d'une simple étincelle nous
est insupportable. Qu'en sera-t-il si nous sommes dans les enfers où les
souffrances dues aux chaleurs extrêmes sont beaucoup plus intenses que tout
ce que l'on peut connaître pendant cette existence humaine ? Nous n'aurons même pas la possibilité de
mourir pour y échapper. Nous devrons expérimenter la souffrance d'être brûlé,
blessé ou frappé sans pouvoir nous y soustraire d'aucune façon. Nous avons des difficultés à endurer le
froid d’une journée d'hiver. Comment ferons-nous si nous devons demeurer dans
les enfers glaciaux, soumis aux rigueurs du froid, sans pouvoir y échapper ? Il nous est difficile de passer une
seule journée sans manger ou sans boire. Qu'en sera-t-il si nous sommes dans
le monde des esprits avides et que nous souffrons de ne pouvoir ni boire, ni
manger ? C'est maintenant qu'il faut réfléchir à
ces souffrances et à notre incapacité à y échapper, même par la mort, si nous
y sommes plongés. Le simple fait que l'on nous traite
verbalement ou physiquement comme un chien nous est intolérable. Qu'en
sera-t-il lorsque nous serons véritablement contraints d'expérimenter cette
condition animale ? Et si nous prenons naissance comme animal, nous devrons
dévorer d’autres animaux pour nous nourrir, et nous créerons du très mauvais
kamma pour subvenir à nos besoins. Il nous est très difficile de supporter
nos ennemis et nous fuyons devant les manifestations guerrières ou violentes.
Qu'en sera-t-il si nous reprenons naissance dans un plan d’existence où les
êtres sont sans cesse en butte à des guerres et à des conflits ? Nous n'admettons pas la moindre
remontrance et nous connaissons une colère sans borne lorsque l'on nous
montre nos défauts. Nous éprouvons une jalousie sans limite dès que nous
sommes dans une position inférieure. Qu'en sera-t-il dans le monde des devas,
si nous devons expérimenter les souffrances de la transmigration lorsque nous
perdrons nos qualités divines pour reprendre naissance dans les états
inférieurs ? Les souffrances de ces états inférieurs
sont insupportables. Les bonheurs des états mondains sont transitoires et se
transforment inéluctablement en souffrance. Toutes les conditions d'existence
connaissent la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort, et ces
différentes étapes se succèdent comme les rides sur l'eau. Toutes les souffrances du samsara sont
telles qu'elles sont aussi profondes que le plus profond des océans. Elles
sont sans fin, illimitées dans le temps et l'espace. Il faut comprendre
qu'elles naissent des actions négatives que nous avons nous-mêmes commises et
en éprouver une juste peur. Ayant développé cette peur du samsara,
on doit s'attacher à éviter comme du poison toute forme d'action négative et
comprendre que le seul bienfait réside dans la pratique et l'accomplissement
du Dhamma : l'enseignement du Bouddha qui nous guérit de ces poisons et nous
mène à l’éveil et à la libération de la souffrance. Nous devons bien
comprendre cela et observer aussi toutes les causes qui peuvent mener aux
existences inférieures et toutes les souffrances qui y sont associées. Depuis la nuit des temps, il n’existe
pas un seul être qui ait trouvé le moyen d’empêcher la mort de se produire.
Personne n’a pu maintenir éternellement son existence. Nous voyons au
contraire que beaucoup de personnes que nous connaissions sont déjà mortes.
Ne serait-ce que ces cinq dernières années, combien de personnes sont-elles
mortes ? Et si nous regardons à plus long terme,
combien reste t’il de tous les êtres que nous avons connus au fur et à mesure
que nous-mêmes avançons aussi vers la mort ? Il est bon de s’engager dans la voie
spirituelle avec constance et de s’efforcer d’atteindre l’éveil. Seul cet
entraînement spirituel nous sera utile au moment de la mort. Nos richesses et
notre renommée disparaîtront sans laisser de trace. Ce qui demeurera, ce
n’est pas seulement nos connaissances du Dhamma, mais surtout les qualités
que nous aurons développées par sa pratique. Etant donné que tout est impermanent,
nous devrions, dés maintenant penser au moment de la mort et méditer encore et
encore, le plus souvent possible car qu’y a t-il de plus urgent que
d’utiliser cette précieuse vie humaine pour la pratique du Dhamma afin
d’atteindre l’éveil ? Parmi toutes les formes d'existence qui
peuvent être expérimentées, l'existence humaine est particulièrement rare et
précieuse car c'est la seule existence qui permette d'entrer en contact avec
le Dhamma. En effet, c'est seulement dans ce monde humain que l'on peut
rencontrer l'enseignement du Bouddha. On peut obtenir une existence dans
d'autres mondes où l'on jouit de possessions, mais dans tous ces mondes, le
Dhamma est absent. C'est seulement ici, dans ce monde
humain que l'on peut rencontrer et pratiquer le Dhamma. Et on s'aperçoit que,
dans ce monde, les pays où le Dhamma est connu et accessible sont rares. De
plus, il faut avoir créé les conditions suffisantes pour éprouver de la
confiance dans le Dhamma et voir cette confiance se matérialiser par la
rencontre d'un ami spirituel. Car même nés dans un pays favorable à
la pratique du Dhamma, très rares sont ceux parmi les êtres humains qui
disposent de toutes leurs facultés physiques et mentales pour pouvoir
pratiquer le Dhamma. Et parmi ceux-ci, peu nombreux sont ceux qui ont la foi
suffisante et la volonté nécessaire pour pratiquer le Dhamma de façon
parfaite. Parmi ceux qui aspirent ainsi à la
pratique du Dhamma, rares sont ceux qui peuvent rencontrer un ami spirituel
véritablement qualifié et compétent. Et si on le rencontre, il est extrêmement
rare et précieux de pouvoir obtenir de lui des instructions de pratique. Nous avons la chance de détenir ces
circonstances favorables et de trouver tout cela devant nous. Mais ce n'est
pas parce que ces conditions sont présentes, apparemment sans effort, qu'il
s'agit du fruit du hasard ou d'une simple chance. La présence de ces
conditions réunies est le signe d'actions antérieures positives. Ceux qui
réunissent ces conditions ont auparavant purifié leur esprit, ils ont
pratiqué le Dhamma et ils ont peut-être fait le souhait de pouvoir rester en
contact avec le Dhamma. Dans cette existence où nous avons la
chance d'avoir réuni toutes ces excellences, nous devons faire des efforts et
nous efforcer de nous extirper du samsara car si nous ne profitons pas de
cette occasion, nous serons semblables à une personne qui serait allée dans
l'île où se trouve un trésor en ignorant qu'un trésor s'y trouvait et en
revient les mains vides. Tout comme cette personne ignorante, incapables de
voir le trésor qui est dans nos mains, nous ne tirerons aucun bienfait ni
aucun profit de cette existence humaine. Nous devons véritablement nous poser
la question : sera-t-il encore possible dans l'avenir de réunir de telles
conditions ? Aurons-nous de nouveau la chance d'être
en relation avec les enseignements du Bouddha ? Il est dit dans les enseignements que
plus tard ils ne seront plus disponibles. Il n'y aura donc plus aucun espoir
de les obtenir à nouveau. C'est donc maintenant, alors que nous avons la
chance de posséder ce précieux corps humain si difficile à obtenir, que nous
devons nous mettre à pratiquer et nous concentrer uniquement sur
l'accomplissement de ce qui est bénéfique, sur la vertu, car nous n'avons pas
beaucoup de temps pour le faire. Le moment où nous devrons laisser ce corps
n'est pas loin. Il ne sera bientôt plus que de la nourriture pour la vermine. La seule certitude que nous ayons est
celle de la mort, mais le moment où elle se produira est imprévisible. Vous
pouvez être extrêmement beau, vous ne séduirez pas la mort. Vous pouvez être
très puissant, vous ne l'influencerez pas davantage. Même les richesses les
plus fabuleuses ne vous achèteront pas quelques minutes de vie
supplémentaire. Il faut donc se réveiller dès maintenant, car nous sommes
impermanents et accomplir sans délai ce qui a un sens sinon nous passerons à
côté de l'essentiel. Pour cette raison, il n’y a pas de temps à perdre. Nous
devons pratiquer le Dhamma sans paresse, sans négligence, sans repousser à
plus tard. Telles étaient les dernières paroles du Bouddha. |
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