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ESPRIT :
QUI ES-TU ?
Par la pratique de la méditation Vipassana
ou méditation de la vision profonde et pénétrante, nous exerçons l’esprit à
s’examiner profondément et à se connaître. Ici vision est synonyme de
connaissance. Ce que nous connaissons d’ordinaire est embué par un esprit
confus. La vue profonde est la connaissance libre d’ignorance. Quand l’esprit parvient à la
réalisation de sa propre nature, il se libère de ses névroses et ne se laisse
plus prendre au piège de l’illusion où il perd tout contrôle de lui-même. Les
objets de l’esprit n’ont pas de réalité propre, c’est l’esprit qui leur donne
une réalité due à l’illusion qui l’habite. La méditation nous permet de réaliser
combien l’esprit est distrait et influencé par les informations qu’il reçoit
constamment. Elle nous permet également d’en percevoir la vivacité et la
clarté quand nous progressons sur la voie. Ce que nous nommons esprit est une
suite continue de pensées qui s’arrêtent seulement quand nous sommes
inconscients ou immergés dans un profond sommeil. Sinon l’esprit projette
sans cesse des idées qui dépendent de stimuli extérieurs comme des sons, des
perceptions visuelles, des souvenirs, etc…. et les souvenirs sont composés de
scènes, de conversations ou autres basées sur des expériences passées.
L’esprit s’empare donc d’informations et nous sommes distraits. Les pensées sont comme des nuages dans
le ciel, sans origine ni destination. Les nuages ne viennent pas d’un endroit
précis, ne vont pas dans un endroit précis et n’existent pas de façon
permanente. Tout ce qui s’élève dans l’esprit est simplement la manifestation
de l’esprit. Les pensées n’ont aucune réalité
tangible, aucune substance, tout comme les nuages dans le ciel. Les nuages
sont le produit de l’évaporation, ils sont en constante transformation et
sujets à un processus de désintégration, pour finalement totalement
disparaître. Les pensées sont identiques. Si nous ne
les saisissons pas, tout comme les nuages elles disparaissent et nous voyons
qu’elles sont le jeu naturel de l’esprit. Toute notre confusion au sujet de
leur réalité se dissipe et nous nous ouvrons à l’expérience d’un état de paix
spontané. Puisque tout ce qui se manifeste n’est
que la simple projection de l’esprit et que celui-ci est en constant
changement, sans cesse en mouvement, il est donc normal que toutes les situations,
toutes ces projections de l’esprit soient elles aussi changeantes et
éphémères. Il suffit de regarder notre montre pour nous rendre compte que le
temps est en perpétuel mouvement et que l’aiguille des secondes tourne sans
cesse. Même si dans notre vie quotidienne nous avons de cela une
compréhension intellectuelle, nous sommes enclins à figer les choses et nous
passons notre temps à agir et à réagir en essayant d’arrêter le temps, en
tentant de figer les situations, de peur qu’elles nous échappent. C’est justement ce refus du changement
qui nous fait souffrir. Si nous acceptons le devenir comme inéluctable, nous
supprimons la cause même de la souffrance car lorsqu’il est reconnu et
accepté au plus profond de nous-mêmes, le changement devient un allié qui
nous aide à reconnaître l’identité de l’esprit et de sa projection que nous
nommons le monde. Il est nécessaire d’observer l’esprit
par le biais de la méditation pour en comprendre l’essence et par la
contemplation répétée de notre esprit nous nous rendrons compte que le monde
autour de nous n’est que la projection de l’esprit. Lorsque nous commençons à méditer nous
avons souvent l’impression qu’il y a davantage de pensées et d’agitation
mentale que lorsque nous ne méditions pas. Cette impression, commune à tous
les méditants, est fausse. Du fait de la méditation une plus grande
conscience de l’état de l’esprit se développe. Notre esprit devenant plus
clair, nous percevons le mouvement des pensées qui nous échappait
jusqu’alors. D’ordinaire l’esprit est comme assoupi,
il n’est absolument pas conscient du flot incessant des pensées qui le
traverse. Pour cette raison, la découverte de l’importance du flot mental
dans la méditation n’est pas négatif mais un progrès dû au développement de
la méditation. L’esprit connaît les objets par la
représentation de l’objet qui apparaît dans l’esprit et qui est reconnue par
l’esprit. Ce processus se déroule très très vite. En un simple claquement de
doigt se déroulent de très nombreux moments mentaux qui sont tous éphémères.
Tout d’abord l’esprit se dirige vers l’objet et le perçoit, puis il le
saisit, puis la représentation ou l’image de l’objet, mais non l’objet
lui-même, apparaît dans l’esprit et est reconnue. Les limitations de l’esprit proviennent
du kamma négatif accumulé dans toutes nos vies passées. C’est ce qui fait que
nous n’avons aucun contrôle sur notre vie. Bien que nous ne souhaitions pas
souffrir, tomber malade et mourir, nous sommes impuissants à changer le cours
des choses. En pratiquant la méditation nous purifions notre kamma et nous
commençons progressivement à maîtriser notre avenir, jusqu’à en être
totalement libres. En général nous sommes conditionnés par
nos réactions : « j’aime et je n’aime pas », « je veux et je ne veux pas » et
nous vivons dans l’attente et l’espoir que ce que nous souhaitons se produise
et dans l’inquiétude et la crainte que ce que nous redoutons survienne. Nous pensons souvent que nos problèmes
sont dus aux situations ou aux autres, mais ceci est faux. Ce sentiment de
frustration, d’insatisfaction que nous ressentons tous provient de nos
limitations, de la soif insatiable d’autre chose, d’un ailleurs impossible à
atteindre. Cette quête, tension, volonté de bonheur est la cause même de
notre souffrance. Elle est ce qui crée le cycle des existences. De quoi est composé l’esprit ? Il est composé de 52 facteurs mentaux
comme par exemple : - Le désir qui nous fait saisir l’objet
de notre désir, nous y accrocher parce qu’on le croit agréable. Nous pensons
« il me faut cet objet ». Nous exagérons les qualités de cet objet. Nous
sommes comme aimantés et ne pouvons pas nous en détacher. Pour pouvoir nous détacher du désir
d’un objet, il faut penser à son impermanence et à ses qualités imparfaites.
On peut également voir le désir comme une source de souffrances continuelles
et non comme satisfaisant. Nous devons comprendre que le désir est comme
boire de l’eau salée. Plus on en boit, plus on a soif. Nous ne sommes jamais
satisfaits. De plus le désir perturbe l’esprit et nous ne pouvons donc pas
connaître la paix et le bonheur. - La haine qui altère nos perceptions
et nous rend malheureux. De plus la haine détruit beaucoup de bon kamma
accumulé et nous créons du mauvais kamma qui aura comme conséquence une
mauvaise renaissance et de la souffrance. Pour pouvoir surmonter la haine ou la
colère nous pouvons considérer que les personnes qui nous font du mal nous
permettent de développer la patience. Nous aurons peut-être même de la
gratitude envers elles. Nous devons comprendre que les personnes sont
plongées dans l’ignorance, qu’elles souffrent et c’est pour cette raison
qu’elles se comportent de cette façon. De même, nous pouvons considérer ces
personnes comme des malades mentaux, car comment avoir de la haine contre une
personne aliénée ? La compassion naîtra dans notre cœur et nous serons
apaisés. Nous devons comprendre que le kamma nous fait vivre cette situation,
ce qui a pour bénéfice de nous en purifier. Nous pouvons aussi considérer la haine
ou la colère comme un poison, car elles nous font beaucoup de mal dans le
présent et pour l’avenir. - L’orgueil qui se manifeste par un
sentiment de supériorité, de suffisance. On se sent meilleur que les autres.
On regarde les autres comme si on était sur le sommet d’une montagne. Cela
empêche l’amour, la compassion et le respect. Pour vaincre l’orgueil, il faut penser
à tout ce que l’on ne connaît pas et que d’autres connaissent et aux qualités
que l’on n’a pas et que d’autres possèdent. L’esprit est par nature comme un chien
dans une maison à six portes ouvertes, il courre ici et là. Les six portes
représentent nos cinq sens ainsi que la pensée. Dès que nous voyons,
entendons, touchons, goûtons, sentons ou pensons, l’esprit se met à
papillonner ici et là, il s’éparpille et nous ne sommes pas présents. Nous
sommes attirés par les sons, les odeurs, les saveurs, les visions, ce que
nous touchons tel un papillon attiré par la flamme d’une bougie qui s’attache
à ce qui va le brûler et le détruire. L’esprit peut également être comparé à
un éléphant sauvage car, comme l’éléphant sauvage, il possède une très grande
force, il est extrêmement puissant, et à l’état sauvage il peut provoquer de
grands dégâts. Par contre s’il est dompté il devient obéissant et il peut
travailler très efficacement avec une force incomparable. De plus l’éléphant
laisse de grandes et profondes empreintes sur son passage. Il en est de même
pour l’esprit, ce qui est très dangereux tant pour nous-mêmes que pour les
autres s’il n’est pas dompté par la pratique, car il sème des graines de
mauvais kamma qui donneront des fruits amers et beaucoup de souffrance dans
cette vie ci et les suivantes. L’esprit est très important, car il est
le précurseur de toute parole ou action. Si l’on prend l'exemple d'une
famille de plusieurs enfants. Ces enfants naissent dans les mêmes conditions,
ont le même père et la même mère et ils sont élevés de la même manière.
Malgré cela, certains deviendront riches et d'autres pauvres, certains auront
une vie brève et d’autres une vie longue, certains connaîtront de nombreuses
souffrances et d’autres de grands bonheurs, certains seront continuellement
malades et d’autres toujours bien portants. Bien qu'ils aient tous obtenu la
même existence humaine et les mêmes conditions de base, les uns seront
extrêmement puissants dans le monde et les autres sans influence, les uns
jouiront de toutes sortes de richesses alors que les autres connaîtront le
dénuement et la pauvreté. Bien qu’ils aient eu les mêmes parents, l’intelligence
des uns sera extrêmement développée alors que les autres seront stupides.
Ceci montre clairement la vérité de la loi du Kamma, la loi de causes et
d’effets, la loi de rétribution des actions des existences antérieures. Le Bouddha dit : « Si on agit ou parle avec un esprit
impur, la souffrance nous suivra aussi sûrement que la roue du char suit le
sabot du bœuf, comme une ombre, sans nous quitter » et « si on agit ou parle avec un esprit pur,
le bonheur nous suivra aussi sûrement que la roue du char suit le sabot du
bœuf, comme une ombre, sans nous quitter ». En effet, le présent est le résultat du
passé. Nous ne sommes pas innocents dans ce qui nous arrive. Nous avons tissé
la trame de la situation présente par nos actes antérieurs. Nous avons
façonné notre vie présente par nos pensées, par nos paroles et par nos
actions passées. Le présent est une continuité du passé. Le résultat de nos
comportements antérieurs façonne le présent, qui fait que la personne en face
de nous est le catalyseur, et non l’initiateur, de la situation présente car
nous sommes responsables de cette situation. La situation présente est née de
conditions interdépendantes auxquelles nous avons participé. C’est notre
passif kammique qu’il nous faut accepter, payer et purifier. Si des difficultés ou des maladies
apparaissent, il ne faut pas être abattu par ces souffrances. Elles sont la
résurgence de kammas antérieurs qui nous permettent maintenant de nous
purifier, de nous libérer de toutes ces dettes kammiques, cela fait partie du
chemin. Si l'on développe cette façon de voir
les choses, toutes les difficultés apparaissent comme des bénédictions et
l'esprit n'est plus dépressif, mais au contraire joyeux, léger, ouvert. Avec
cette ouverture d'esprit, toutes les difficultés qui apparaissent sont
transcendées et les causes qui étaient à l'origine de cela sont complètement
purifiées. On passe ainsi au travers des difficultés et ces difficultés ne
sont plus perçues comme des souffrances, mais comme le travail spirituel
lui-même qui génère de la joie, cette joie permettant de purifier
complètement le kamma. A cause d’actes négatifs accomplis dans
nos vies précédentes, nous avons pris naissance dans cette vie sous la forme
d'êtres dotés d'un corps physique constitué de différents éléments qui se
sont assemblés selon un arrangement dont la nature est souffrance. Cela
signifie que notre vie présente est la réalisation de la noble vérité de la
souffrance. Cette existence humaine est de très courte durée comparée à tout
le temps qu'il nous faudra passer à tourner dans le cycle des existences si
nous ne nous libérons pas. En étant pleinement conscients de nos
pensées, de nos paroles et de nos actions, celles-ci deviennent justes et
nous nous protégeons nous-mêmes contre les mauvaises pensées, les mauvaises
paroles et les mauvaises actions qui engendreraient à leur tour du mauvais
kamma, et par conséquent de la souffrance. Nous pouvons ainsi entraîner notre
esprit à fonctionner de manière constructive et remplacer la frustration par
le contentement, l'agitation par le calme, la haine par la compassion. Toute
acquisition d'un savoir-faire nécessite un entraînement. On ne peut pas
s'attendre à bien jouer du piano sans une longue pratique préalable. De même,
si l'on consacre un certain temps, chaque jour à développer l’esprit par la
méditation, il est certain que l'on obtienne des résultats fructueux. Dans le bouddhisme, méditer signifie
cultiver. Par la méditation on apprend donc à se familiariser avec une
nouvelle manière d'être, de gérer ses pensées et de percevoir le monde. L'une des caractéristiques d'une
pratique spirituelle juste est l'invulnérabilité aux conditions extérieures,
favorables ou défavorables. On compare l'esprit du pratiquant à une montagne
que les vents ne peuvent ébranler : le méditant n'est ni tourmenté par les
difficultés ni exalté par le succès. Mais cette équanimité n'est ni apathie
ni indifférence. Elle s'accompagne d'une véritable joie et d'une ouverture
d'esprit. Par la méditation nous développons
notre esprit, nous nous libérons de la souffrance. Lorsque la souffrance est
éliminée, il ne demeure plus que la dimension naturelle de notre esprit qui
est pur bonheur. |
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