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Cinquante Ans Ensemble ou Les vertus d’un leader
Discours du Vénérable Mahasi Sayadaw Traduit par Vipassanasangha ______________ Dans la durée de vie courte des êtres
humains, cinquante ans est une longue période de temps. Mes parents
célébreront leur Anniversaire de Noces d'or le 9 novembre. Cinquante ans
ensemble sans aucun problème majeur, c’est un exploit pour des personnes
vivant ensemble si étroitement. En occident, le divorce est maintenant
beaucoup trop répandu, parce que les gens manquent de tolérance et sont
insatisfaits, par conséquent ils ne peuvent rester ensemble pour la vie
entière. La patience est la
première des six vertus d'un leader (Nayaka) et la plus importante. La patience est la
capacité à supporter la douleur et l’inconfort, ou bien la douleur mentale
tel le blâme et la critique. Tolérer signifie permettre aux autres de suivre
leur propre voie, sans s'immiscer ou essayer de les contrôler pour son propre
confort et sa convenance. Cela ressemble plus à l'équanimité (upekkha),
qui n'est pas l'indifférence au bien-être des autres, mais c’est comprendre
que les gens ordinaires sont tous limités, faibles ou défectueux d'une façon
ou d'une autre. Bouddha a toléré
longtemps la présence de Devadatta dans la Sangha parce qu'il savait que cela
serait bénéfique pour Devadatta à long terme. Vous pouvez vous demander,
"puisque Devadatta a tellement essayé de nuire au Bouddha et puisque le
Bouddha était omniscient et devait donc savoir ce qu'il ferait, pourquoi lui
a-t-il accordé l'ordination ?" Le roi Milinda posa une fois cette
question au sage Nagasena. Sa réponse fut : "Oui, Bouddha était
omniscient et il savait que Devadatta causerait un schisme dans la Sangha et
essayerait de le tuer, mais il savait aussi qu'en vivant comme un moine pour
quelque temps et en développant les jhanas, Devadatta deviendrait un
Paccekabuddha après avoir souffert en enfer Avici pendant une très grande
période de temps. Cependant, si le
Bouddha n'avait pas admis Devadatta dans la Sangha, il aurait continué à
commettre des actes immoraux, et non des actes moraux puissants, donc sa
souffrance aurait été illimitée. Cela montre la tolérance illimitée du
Bouddha. La présence de Devadatta dans la Sangha n’était d’aucun bénéfice au
Bouddha, mais il l'a tolérée pour avantager Devadatta. L'Organisation
Bouddha Sasana Nuggaha (BSNO) célébrera son Jubilé D'or le 13 novembre.
Cinquante ans de travail en commun est un admirable accomplissement, d'autant
plus qu'il y a beaucoup de personnes qui y sont impliquées. Il n'est pas
facile de maintenir l'harmonie dans un grand groupe et plus le groupe est
grand, plus cela est difficile. Les leaders du BSNO doivent certainement
avoir cultivé la tolérance, bien que je sois sûr qu'ils ont aussi connu des
difficultés avec quelques membres de temps en temps. C'est l'atmosphère
de tolérance dont je me rappelle le plus distinctement lors de ma première
visite à Mahasi Yeiktha en 1979-1980, particulièrement celle du dernier
Sayadaw U Javana, qui était mon kammatthanacariya. Le Sayadaw savait
que je faisais de mon mieux pour progresser dans la méditation, donc il m'a
beaucoup encouragé. Il y a des enseignants qui aiment gronder et traiter
leurs élèves durement. Cela est peut-être nécessaire pour certains élèves,
mais ce n'est pas la meilleure façon, car cela crée une atmosphère de peur, qui
mène souvent à la réserve et à l’hypocrisie. Les élèves peuvent sembler bien
se conduire quand le Sayadaw est à côté, mais quand il est loin, ou après sa
mort, ils se conduiront mal parce qu'on ne leur aura jamais permis de
découvrir que les méfaits mènent à la souffrance. À mon avis, si les
élèves ne suivent pas les instructions de l'enseignant, c’est que
l'enseignant n'a pas expliqué la méthode et le but de vipassana
correctement. Il devrait essayer de passer plus de temps avec ses étudiants
pour découvrir pourquoi ils ont des problèmes avec la paresse, ou pourquoi
ils sentent le besoin de parler à quelqu'un. Ils sont probablement tourmentés
par le doute et ont besoin d’être rassurés. Le Dhamma est bénéfique à chacun,
ce n’est pas pour les punir. Si des élèves sont mauvais et désobéissants on
devrait, bien sûr, leur demander de quitter le centre de méditation après
deux ou trois avertissements, pour protéger les élèves consciencieux et la
réputation du centre de méditation. La tolérance ne signifie pas être
laxiste, mais plutôt la douceur du cœur. La deuxième vertu
d'un leader est l'énergie (utthana), qui signifie être actif. Les
méditants ont souvent un problème avec cela parce qu'ils ne font pas une
distinction claire entre la méditation et la vie quotidienne. Dans la
méditation nous devons employer toute notre énergie pour observer nos
processus mentaux et physiques. Nous devons essayer de restreindre nos
activités quotidiennes au minimum et nous devons tout noter avec autant de
détails que possible. Cependant, si
pendant la retraite les managers et le personnel du centre de méditation
pratiquaient comme cela, ce serait désastreux. Les méditants n'obtiendraient
pas l’alimentation appropriée et les centres seraient vite considérés comme
négligés et peu convenables pour la méditation. Grâce en grande partie à la
réputation irréprochable de Mahasi Sayadaw, le Centre Mahasi Yeiktha a la
grande chance d'avoir des volontaires
en abondance pour aider au fonctionnement du centre. Ils doivent accomplir
leurs devoirs énergiquement avec le plein appui et l'encouragement de la
direction. Puis, quand ils auront l’occasion de méditer, ils auront beaucoup
d'énergie pour noter attentivement, en raison des mérites qu'ils auront
accumulés en servant les autres. La vigilance (jagariya)
est la troisième vertu. Un leader ne peut pas aimer rester dormir alors qu’il
a beaucoup de responsabilités. Margaret Thatcher, l'ancien Premier Ministre
d'Angleterre, avait l’habitude de dormir seulement quatre heures environ par
nuit. Elle allait se coucher longtemps après son personnel, préparant les
documents pour les réunions du jour suivant. Bouddha était
encore plus vigilant. Lorsque les laïques rentraient chez eux, il instruisait
les moines, les bhikkhus. Lorsque les bhikkhus retournaient
dans leurs logements, il instruisait les êtres célestes. Après cela il
pratiquait la méditation en marche pendant une heure. Seulement après il
allait dormir ; cependant il était toujours debout longtemps avant
l'aube pour méditer de nouveau. Très peu de personnes peuvent même se
rapprocher de son niveau de diligence. Non seulement on doit se lever tôt et
se coucher tard, mais il faut aussi exécuter ses devoirs sans faute. "Ne
jamais remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même" est
une très bonne devise. Une autre devise est "si vous voulez que quelque
chose soit fait, adressez-vous à une personne occupée." La quatrième vertu
d'un leader est la gestion ou le partage (samvibhaga). Les managers
sont censés décider comment répartir les fonds de l'organisation et gérer le
personnel et les volontaires avec sagesse. Les fonds pour une organisation
religieuse comme le BSNO proviennent entièrement de donations. Les donateurs
donnent de leurs économies parce qu'ils veulent que les yogis méditent. Ils
espèrent que quelques yogis consciencieux atteindront magga, phala et
nibbana, car leurs donations seraient alors extrêmement bénéfiques.
Beaucoup de donateurs donnent à Mahasi Yeiktha parce qu'ils ont la forte foi
que les méditants atteignent ici des compréhensions profondes. Les
enseignants prêchent souvent aussi pour de telles réalisations. Donc les
managers ont une lourde responsabilité d'utiliser les fonds aussi
efficacement qu'ils peuvent. Cinquièmement, un
leader devrait avoir de la compassion. Si quelqu’un a atteint un haut
niveau de compétences et de connaissances après de longues années de dur
travail, il n'est pas difficile de regarder de haut les autres qui sont moins
compétents, par fierté et vanité. Il est facile d'oublier que l'on était
auparavant un débutant dans la méditation, comme les autres le sont
maintenant. C'est grâce à notre bienfaiteur, le très Vénérable Mahasi
Sayadaw, que nous avons réalisé des compréhensions, que nous avons acquis des
connaissances directement de lui ou de ses disciples. Le Vénérable Sayadaw
avait également besoin des conseils de Mingun Jetawun Sayadaw quand il a
commencé la méditation. Il n'est pas facile de trouver le chemin juste. Même
avec Bouddha comme enseignant, quelques personnes se sont égarées. Donc les
enseignants et les managers devraient avoir beaucoup d’amour et de compassion
avec ceux qui luttent pour surmonter des impuretés. S'ils entreprennent
régulièrement des retraites eux-mêmes, ils n’auront pas de problème à
pratiquer la compassion. Enfin, un leader
devrait prévoir (ikkhana). Je pense que l'idéal serait d’avoir des
pouvoirs psychiques, mais nous devrions au moins apprendre à prévoir. Il y a
trois sortes de personnes : les aveugles, les borgnes et ceux qui voient des
deux yeux. Il y a certaines
personnes qui ne savent pas comment se comporter, même pour leur propre
bien-être dans la vie présente, donc elles trébuchent dans la vie,
rencontrant des difficultés partout, comme une personne aveugle. La deuxième sorte
de personnes sait comment se comporter dans la vie, a donc une certaine
prévoyance, mais pas suffisamment pour prendre en compte les résultats de ses
actions dans la vie suivante. Elles ressemblent aux personnes borgnes parce
qu’elles peuvent voir, mais pas assez clairement. La troisième sorte
de personnes sait que la mort est certaine et que la vie est incertaine.
Elles sont donc plus concernées par les effets à long terme de leurs actions
plutôt que par des bénéfices à court terme. Nous pouvons dire que ce sont des
personnes qui voient clairs. Planter une forêt d'arbres demande de la
prévoyance. N'importe quel imbécile peut les couper pour avoir un bénéfice
rapide, mais planter des arbres dont d'autres tireront profit ou vendront
dans au moins cent ans exige une vue différente du monde. C’est ce que
signifie la prévoyance (ikkhana). Les leaders ont
beaucoup d'années d'expérience, ils savent donc très bien comment traiter les
affaires quotidiennes. Cependant, ils doivent aussi savoir ce qui pourrait
probablement arriver dans plusieurs d'années. Le succès futur dépend beaucoup
de la façon dont la jeune génération est formée. Les leaders devraient faire
attention à la détérioration quelle qu’elle soit. Les bâtiments se
détérioreront vite s'ils ne sont pas entretenus correctement. La discipline
dégénérera si les leaders donnent le mauvais exemple. Le Bouddha et les
Arahants avaient éradiqué toutes leurs impuretés. Cependant, ils n'ont pas
arrêté de méditer, ni négligé leurs devoirs envers la Sangha. Leur attitude
était : "Nous sommes les aînés et les leaders, d'autres suivront
notre exemple dans le futur." Ils ont donc continué à rendre le plus
grand hommage au Dhamma en méditant constamment, en vivant seuls dans la
forêt etc... Pour développer
pleinement la tolérance, l'énergie, la vigilance, le partage, la compassion
et la prévoyance, puissent les leaders pratiquer la méditation jusqu'à ce
qu'ils atteignent le but le plus haut, l’état d’Arahant. Puissent-ils
être dignes de ce plus grand honneur. |
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