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SAKKAPAÑHA SUTTA

(4ème partie)

 

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Discours du Vénérable Mahasi Sayadaw

Traduit par Vipassanasangha

______________

 

 

 

Diversité de Croyances

 

        Sakka fut très satisfait par le discours du Bouddha. Avant qu'il ne soit venu pour voir le Bouddha, il avait rencontré plusieurs soi-disant sages et avait écouté leurs enseignements, mais il avait constaté qu'ils possédaient des croyances différentes. Maintenant qu'il avait atteint le premier stade du noble chemin après l'audition des paroles du Bouddha, il connaissait le vrai Dhamma et il connaissait aussi vraiment le Bouddha et la Sangha. Il était maintenant libre de tous doutes. Il ne le dit pas explicitement au Bouddha mais cela était sous-entendu dans sa question :

"Seigneur, est-ce que ceux qui s'appellent samana-brâhmanas ont tous les mêmes opinions ? Mènent-ils tous la même vie morale ? Ont-ils tous le même désir ou le même but ?"


        Bien sûr, Sakka connaissait les réponses à ces questions, mais il demandait cela seulement comme prélude à sa question sur leurs différences. Bouddha répondit à sa deuxième question comme suit.

 

"O Sakka ! Dans le monde, les gens n'ont pas le même tempérament. Leurs tempéraments sont différents. Ils pensent faussement, ils s'accrochent fermement et de manière obsédante aux croyances qui conviennent le mieux à leurs tempéraments. Ils insistent pour que seulement leurs idées soit justes et que toutes les autres opinions soient fausses. A cause de leur sectarisme tous les soi-disant sages et saintes personnes ont des opinions différentes. Ils sont confrontés à des systèmes différents de valeurs morales ; ils ont des désirs différents et des buts différents dans la vie."

 

        Dû à leurs tempéraments différents, les gens diffèrent les uns des autres dans leurs inclinations et préférences en ce qui concerne la couleur, le son, les vêtements et ainsi de suite. De même ils parlent des croyances qu'ils ont acceptées sur la base de leurs attachements et suppositions. Certains chérissent la croyance de l’immortalité de l'âme. Ils disent que l'âme (atta) existe pour toujours et qu’elle n'est pas soumise à la destruction comme le corps physique. C'est la croyance en l'éternité (sassataditthi). Cela ne diffère pas fondamentalement des religions qui enseignent que l'homme est créé par Dieu, et qu'après la mort certains réalisent le salut au paradis, tandis que d’autres sont condamnés à l’enfer éternel.

 

Puis, il y a la croyance en l'annihilation (ucchedaditthi) qui nie une vie future et met l’accent sur l'extinction complète de l'individu après la mort. Ce sont les doctrines de ces religions qui revendiquent le monopole sur la vérité et rejettent tous les autres enseignements comme faux. Un tel sectarisme est la cause de différences de croyances, de principes moraux, d’aspirations et d’objectifs de vie.

 

 

Croyance en l’Éternité et Bouddhisme

 

        Selon le Bouddhisme, quand un homme meurt, il se réincarne, la nouvelle existence étant conditionnée par son kamma. Cela soulève la question de savoir si la théorie Bouddhiste de renaissance est la même que la croyance en l'éternité. Mais l'enseignement de Bouddha est très loin de l'idée d'un ego permanent. Le bouddhisme nie l'existence d'une entité d'ego et reconnaît seulement le processus qui implique l’apparition et la disparition de tous les phénomènes physiques et mentaux. Quand la conscience d’une renaissance cesse, la conscience du continuum de vie (bhavanga-citta) surgit, qui disparaît aussi incessamment. Avec le continuum de vie toujours dans cet état de flux, la conscience qui projette la forme visuelle, le son, etc... surgit et cette conscience est suivie par la conscience visuelle, la conscience auditive et ainsi de suite. Quand cette conscience cesse, le continuum de vie prend sa place. Ainsi, les deux courants de bhavanga-citta et la conscience ordinaire coulent alternativement. Au moment de la mort, la conscience de la mort (cuti-citta), le dernier moment du continuum de vie, disparaît. La cessation de cuti-citta est nommée la mort qui signifie la cessation du processus du corps et de l'esprit, sans l’apparition d’une nouvelle conscience.

 


        Immédiatement après la cessation de la conscience de la mort, la conscience de la renaissance surgit, conditionnée par le kamma de chacun. Cette conscience de renaissance marque le début d'une nouvelle existence. Donc, la renaissance n'a aucun rapport avec l'entité d'un ego ou le transfert du corps et de l'esprit de la vie précédente. Avec la cessation de cette nouvelle conscience, le flux continu du continuum de vie, surgit etc... comme dans l'existence précédente. Nous considérons ce processus du corps et de l'esprit, comme une personne particulière mais il n'incarne pas d'âme ou une entité d'ego. Ce fait peut être compris par ceux qui pratiquent la méditation Vipassana.

 

        Le bouddhisme ne propose pas l’éternalisme puisqu'il enseigne que le désir mène à la renaissance. Quand le méditant atteint le stade d’Arahant, il est complètement libre du désir et des autres souillures. L'Arahant n'est attaché à aucun objet des sens.

 

La croyance en l'annihilation (ucchedavâda) présuppose un ego dans une créature vivante - un ego qui est le sujet d'expériences, bonnes ou mauvaises. Le bouddhisme rejette l'idée de l'ego et reconnaît seulement qu'il y a le processus du corps et de l'esprit. À la mort de l'Arahant, ce n'est pas l'ego, mais le processus du corps et de l'esprit, qui s'éteint. Cette extinction est provoquée par la pratique de la méditation Vipassana, qui assure la fin du désir pour la vie.

 

 

Mahâyâna et Theravâda

 

        Il y a maintenant quatre grandes religions dans l'humanité. Leurs différences sont dues aux caractères différents des personnes qui y adhèrent et à la diversité des croyances des disciples de chaque religion. Il y a deux écoles dans le Bouddhisme : Theravâda et Mahâyâna qui ont des vues différentes depuis plus de 2000 ans. Cela est dû à des inclinations différentes attribuables aux adhérents de chaque école.

 

        L'enseignement de base dans le Bouddhisme Mahâyâna est que toutes les créatures vivantes réalisent la complète libération de la souffrance du samsâra seulement après être devenues Bouddha. Dans le Mahâyâna, être un Arahant ou un Paccekabuddha ne signifie pas la pleine libération . Après être devenu un Bouddha, le disciple du Mahâyâna n'entre pas dans l'état de nibbâna seul. Il jouit de la paix de nibbâna seulement avec d'autres êtres, c'est-à-dire seulement après que tous les autres êtres soient devenus Bouddhas.

 

        C'est un rejet indirect de l'égoïsme mais cette idée est tout à fait indéfendable. Si les Bouddhas doivent reporter leur parinibbâna et attendre que toutes les autres créatures vivantes aient atteint la Bouddhéité, où et comment doivent-ils vivre pendant une si longue période de temps ? Les insectes et autres formes de vie inférieure sont innombrables. Bouddha doit-il attendre et subir la vieillesse, la maladie et la mort jusqu'à la libération de la plus basse des créatures vivantes ? Cette vue dans le Mahâyâna a peu de sens et c'est seulement acceptable pour certaines personnes parce que cela convient à leur tempérament.

 

        Cela diffère de la doctrine du Theravâda, qui est le vrai Dhamma basé sur l'enseignement de Bouddha du Canon Pâli. Selon le Theravâda, parmi les méditants qui atteignent le dernier stade du noble chemin, il y a ceux qui aspirent à être les disciples proches de Bouddha. Après leur parinibbâna ; ces Arahants cessent d’avoir un corps et un esprit, que conditionne la renaissance, et c’est ainsi la fin de leurs souffrances dans le samsâra. Ils n'ont pas besoin d'attendre qui que ce soit, et ce n'est pas possible de le faire. C'est aussi le destin des Paccekabuddhas et des Sammâsambuddhas. Cette vue du Theravâda est tout à fait raisonnable.

 

        Les Bouddhistes du Mahâyâna identifient leur nibbâna avec la demeure Sukhavati. Ils la décrivent comme un paradis et disent que, comme les Bouddhas, toutes les créatures vivantes y vivent heureuses pour toujours, étant libres de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Sukhavati ne diffère pas essentiellement du paradis qui est décrié par ceux qui croient en l’immortalité. Cette croyance est probablement basée sur les écritures de ceux qui ont cherché à diffuser la croyance en l'éternité parmi les Bouddhistes.

 

        Plus tard, beaucoup de sectes du Mahâyâna ont pris naissance, en raison aussi des tempéraments différents de leurs disciples.

 

        Les commentaires nous disent comment le Theravâda s’est divisé en dix-huit sectes. En Birmanie, aujourd'hui, il y a aussi des différences d'opinions quant à l'enseignement du Bouddha. Il n'y a aucun doute que Bouddha a enseigné les quatre nobles vérités et le noble octuple sentier comprenant la moralité, la concentration et la sagesse ; mais certains disent qu'il n'est pas nécessaire de pratiquer la méditation Vipassana, qu'ils peuvent suivre leur voie facile pour se libérer. Certains rejettent la moralité comme sans rapport avec le but du Bouddhisme, une vue qui est partagée par ceux qui ne se soucient pas de la moralité. Ils expriment de telles idées parce qu'ils n'acceptent pas l'enseignement du  Sakkapañha Sutta et d'autres discours.

 

        L'enseignement du Bouddha à l’ascétique errant Subhadda permet de savoir si une doctrine est le vrai Dhamma qui éradique les souillures. L'essentiel de l'enseignement, qui est trouvé dans le Sutta Mahâparinibbâna, est qu'aucune doctrine qui est exempte du noble chemin octuple ne peut mener au stade de Sotâpanna et aux autres stades du noble chemin. Le chemin octuple est trouvé seulement dans le Bouddha-dhamma et ainsi c'est seulement ce Dhamma qui fera d’un homme un Sotâpanna, etc... Nous pouvons juger n'importe quelle doctrine selon ce critère et voir si elle s'accorde avec l'enseignement de Bouddha.

 

        Néanmoins, le fait est que la plupart des gens acceptent seulement les enseignements qui s'accordent avec leurs inclinations. Il y a des gens qui veulent profiter de la vie seulement comme êtres humains, devas, etc. Ils ne savourent pas la perspective du processus de la cessation du corps et de l’esprit et de la souffrance. Certains ne veulent pas se réincarner dans les mondes de Brahmâ qui sont exempts de plaisirs des sens parce qu'ils préfèrent la renaissance dans le monde sensuel. Il y a des personnes qui éprouvent un grand désir de renouvellement tant de l'esprit que du corps. Cependant, les personnes sages, qui comprennent les souffrances du cycle infini du samsâra, cherchent l'extinction tant du corps que de l’esprit.

 

        Quelques personnes croient au bonheur éternel au paradis ou à l'annihilation après la mort comme leur destin. Pour certains, le but suprême est le monde Asañña, qu'ils croient libre de toute souffrance. De nouveau, certains considèrent le monde sans forme (arûpaloka) comme leur objectif suprême, tandis que d'autres disent que leur but est de faire une distinction claire entre l'âme (atta) et le corps et l’esprit. Ces buts divers dépendent des tempéraments différents des gens qui les poursuivent. En réalité, le but le plus haut de la vie est le nibbâna de l'Arahant, qui signifie la cessation complète du corps et l’esprit après la mort, suite à l'extinction totale des souillures.


Le But Suprême

 

        Sakka fut heureux de la réponse de Bouddha et posa une autre question : "Seigneur, est-ce que les samana-brâhmanas atteignent vraiment leur but suprême ? Y a t-il une réelle fin à leur servitude ? Vivent-ils la vie noble véritable ? Réalisent-ils vraiment le Dhamma ultime ?"

 

        Ici le but suprême, la fin réelle de leur servitude (iccantayogakkhemi) et le Dhamma ultime (iccantapariyosana) se réfèrent à nibbâna. La vie noble est la pratique de la méditation Vipassana et du noble chemin. Autrement dit, avec ces quatre questions Sakka  demanda au Bouddha si les ascétiques et les brâhmanas pratiquent la méditation Vipassana et le chemin octuple et s'ils atteignent nibbâna.

 

        Le Bouddha répondit négativement. Selon le Bouddha, seulement les bhikkhus (moines) qui sont libérés par la pratique du chemin menant à l'extinction du désir réalisent le but suprême, mettent fin à la lutte, mènent la vie noble et atteignent le Dhamma ultime.

 

        Ici les bhikkhus mentionnés dans la déclaration de Bouddha sont les Bouddhas, Paccekabuddhas et Arahants. En fait, ils sont tous Arahants. L'Arahant est celui qui a supprimé les quatre impuretés (âsavas) qui provoquent une nouvelle existence. En fait, il a déraciné les empêchements et a atteint le but suprême et le Dhamma suprême ; et sa victoire finale est due à sa pratique du noble octuple sentier.

 

        Ceux qui ne se sont pas encore libérés des impuretés et empêchements par le chemin octuple sont loin de nibbâna. Ils continuent à être soumis à la renaissance et à la souffrance. Ainsi, quand le Brahmâ Baka invita Bouddha dans ce qu'il considérait être son paradis éternel, Bouddha lui dit n'avoir aucune illusion au sujet de sa mortalité et n'avoir aucun désir pour aucune sorte d'existence.

 

        Le Bouddha dit "Ayant vu les périls de toutes les sortes d'existence, que ce soit d'un être humain, d’un deva, d’un brahmâ ou des habitants des mondes inférieurs …. je ne glorifie aucune sorte d'existences, mais les désapprouve."

 

        Chaque sorte d'existence est soumise à la souffrance. C'est pire dans les mondes inférieurs, mais l'existence humaine est aussi affligée de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Même les devas doivent souffrir à cause de leurs désirs frustrés et dans le monde des brahmâs ils ne sont pas libres de la souffrance liée à la pensée, à la planification et au changement incessant.

 

        Le Bouddha dit "j'ai vu les périls de chaque sorte d'existence ; j'ai aussi vu le chemin de ceux qui ne veulent pas d'existence et qui cherche son extinction. Donc, je désapprouve toutes les sortes d'existence."

 

        Étant conscientes des maux de l'existence, quelques personnes sages sont devenues des ascétiques à la recherche de la libération, mais elles ne connaissaient pas nibbâna ou le chemin octuple y menant. Elles connaissaient seulement les jhânas qui rendent l’esprit tranquille et elles ont donc pratiqué samadhi qui y conduit.


Certains ont atteint rûpajhâna et ont cru qu'ils jouiraient de l'immortalité dans le monde rûpavacarabrahmâ, le but d'un tel jhâna. Pour quelques ascétiques, la vie éternelle devait être trouvée dans la demeure Asaññâ (la non-perception) du monde rûpavacarabrahmâ, tandis que pour d'autres on pouvait seulement l’apprécier dans le monde arûpavacara. Donc, ces ascétiques étaient contents du rûpajhâna et l'arûpajhâna qu'ils avaient atteint.

 

        Contrairement à leurs espérances, ces yogis ne furent pas immortels dans les mondes brahmâ et ainsi après leur mort ils sont retournés dans le monde sensuel des devas et des êtres humains. De là, ils ont transmigré selon leur kamma. Suite à un mauvais kamma, ils pourraient s'être trouvés dans les mondes inférieurs. Ainsi, bien qu'ils aient cherché l'extinction de l'existence, ils n'ont pas réalisé leur objectif et ont dû continuer à souffrir. De là le dédain de Bouddha pour toutes les sortes d'existence.

 

        Le renouvellement de l'existence est dû à l'attachement à la vie. Cet attachement est le même que le désir sensuel (kâmayoga) et le désir pour l'existence (bhavayoga). Bouddha a répudié et surmonté cet attachement.

 

        Selon les commentaires, Sakka posa quatorze questions au Bouddha et fut très heureux des réponses. Après avoir exprimé son appréciation profonde, il exposa son avis sur le désir ardent (tanhâ) comme suit :

"Seigneur, ce désir ardent est une maladie, il ressemble à une ébullition, à une flèche ou à une épine dans la chair. Il attire les créatures vivantes à l'existence et donc elles vivent misérablement."

 

"Tanhâ est virulent parce qu’il désire ceci ou cela. Il s’attache aux objets plaisants et a très envie de les consommer. Comme une feuille bruissant dans le vent, il est toujours dans une rafale, agité, affamé et avide. Tanhâ est une maladie chronique qui est incurable, mais pas si aiguë pour causer la mort immédiate. Il rend un homme à l'aise quand il est satisfait, cependant il est insatiable bien que choyé avec les objets des sens qu'il aime. Il désire ardemment tous les objets des sens dont il cherche à jouir encore et encore."

 

"Tanhâ est détestable et terrible comme une ébullition. C'est aussi comme une épine dans la chair." Une épine peut être cachée dans la chair pour que nous ne puissions en voir aucun signe. Nous ne pouvons pas l'enlever, elle continue à causer la douleur. De même, il est dur de se débarrasser de tanhâ, qui nous harcèle toujours. Nous nous inquiétons tellement au sujet des objets de notre désir que nous ne pouvons pas dormir la nuit et à cause de notre attachement à la vie nous devons errer d'une existence à l’autre, la nature de chaque existence dépendant de notre kamma."

 

        Après l'enseignement de Bouddha, Sakka déclara qu’il était maintenant libre de tous doutes suite à l'audition du discours de Bouddha. Il avait atteint le premier stade du noble chemin, qui exclut la possibilité de sa renaissance dans les mondes inférieurs après sa mort. Il était assuré d'une bonne renaissance et il pourrait atteindre les stades plus hauts de compréhension.

 

 


Pratique Morale d'un Candidat à la place de Sakka

 

        Les commentaires mentionnent les sept devoirs d'un homme qui aspire à être le roi des Devas. Ceux-ci sont énumérés dans le Sagâthâvagga Samyutta comme suit :

 

  • 1) Il soutient et s'occupe de ses parents durant toute sa vie
  • 2) Il respecte toujours les personnes âgées comme ses parents.
  • 3) Il parle gentiment et avec douceur.
  • 4) Il ne dit jamais du mal d'une autre personne.
  • 5) Il gère son ménage avec un esprit libre de bassesse.
  • 6) Il dit toujours la vérité.
  • 7) Il prend garde de ne jamais être fâché. S'il est parfois fâché, il calme sa colère immédiatement.

 

        Comme pour Sakka, le roi des devas, qui eut le dialogue avec le Bouddha dans le Sakkapanha Sutta, les commentaires de ce discours racontent sa vie précédente comme le jeune homme Mâgha dans le village Macala dans le royaume de Mâgadha, bien avant le développement du  Bouddhisme.

 

        Mâgha était le leader de trente-trois jeunes hommes qui réparaient des routes et des ponts, construisaient des maisons de repos et avaient fait ensemble d'autres bonnes actions pour le bien-être de la communauté. Le chef du village était corrompu et donc il les détestait. Autrefois, il leur demandait de l'argent quand ils avaient bu et fait des choses illégales, mais maintenant qu'ils se dévouaient entièrement au service social, il n’avait plus cette source de revenus. Il alla chez le roi et accusa faussement les jeunes hommes. Sans faire aucune enquête, le roi ordonna leur arrestation et qu’ils soient piétinés à mort par des éléphants.

 

        Alors Mâgha dit à ses amis "Il est naturel que des malheurs arrivent à tous les êtres qui sont pris dans la ronde des renaissances. Le refuge réel pour les gens de ce monde est de dire la vérité. Donc, nous devrions déclarer solennellement : « si nous sommes des voleurs ou des cambrioleurs, laissez l'éléphant nous piétiner. Si nous ne le sommes pas, ne le laissez pas nous piétiner ».

 

        Les amis de Mâgha agirent selon son conseil et donc l'éléphant ne s’approcha même pas d'eux, mais partit en courant bruyamment. Les hommes du roi harcelèrent et aiguillonnèrent l'animal en vain avec leurs lances. Les jeunes hommes furent donc conduits devant le roi. Questionnés par le roi, Mâgha dit que c'était leur invocation de la puissance de la vérité qui avait repoussé l'éléphant. Il dit aussi au roi ce qu'ils faisaient auparavant et comment c'était l'avidité qui avait incité le chef du village à émettre de fausses accusations contre eux.

 

        En entendant cela, le roi les libéra immédiatement, leur offrit des cadeaux et une résidence permanente dans le village Macala. Les jeunes hommes se consacrèrent aux travaux d'intérêt général plus ardemment et vigoureusement que jamais. A sa mort, Mâgha devint Sakka et ses trente-trois camarades devinrent devas dans son domicile céleste.

 


        En bref, telle est la rétribution des bonnes actions de Mâgha qui le conduisit à sa renaissance comme Sakka. Ce que nous devrions noter dans cette histoire de Mâgha est que les bonnes actions qu'ils ont faites n'étaient pas liées à leur connaissance minutieuse du Bouddha-dhamma. Il se pourrait qu’ils aient seulement entendu dire que les bonnes actions donnent de bons résultats et ce simple enseignement avait motivé Mâgha à faire de bonnes actions. Il n'espérait pas atteindre le chemin saint ou nibbâna, mais à cause de ses bonnes actions il devint le roi des devas et après l'audition du discours de Bouddha, il atteint le premier stade du chemin saint.

 

        Cela montre qu'une personne peut ne pas avoir nibbâna à l’esprit tandis qu'elle fait des bonnes actions, mais si elle croit dans la loi du kamma et fait ces bonnes actions sincèrement, elle renaîtra en conséquence dans les mondes célestes ou humain avec des prédispositions saines. Grâce à de telles prédispositions elle pourra atteindre des compréhensions après l'audition et la pratique du Dhamma. Ainsi, quand nous faisons de bonnes actions, nos actions devraient être basées sur la croyance dans le kamma. La meilleure chose, bien sûr, est de faire de bonnes actions dans l'espoir d'atteindre le chemin ou nibbâna.

 

 

L'Exaltation de Sakka

 

        Quand Sakka exprima sa joie lors de sa réalisation du premier stade du chemin saint, Bouddha lui demanda s'il avait déjà éprouvé une telle joie auparavant. Sakka répondit : "Seigneur, j'ai été ravi une fois lors de ma victoire dans la bataille contre des Asuras, mais cette joie avait son origine dans le conflit d’armes. Cela n’a aucun rapport avec la désillusion et n'a pas mené à la connaissance spéciale ou à nibbâna. Mais maintenant ma joie lors de l'accomplissement du stade de Sotâpanna n'est pas enracinée dans le conflit d'armes. Elle est liée à la désillusion et au détachement et mènera aussi à l’éveil et à nibbâna."

 

        Sakka continua en disant qu'il était ravi à cause des six bénéfices dont il bénéficierait :

 

        1. La première chose qui l'avait rendu joyeux était son accomplissement du stade de Sotâpanna et sa renaissance comme Sakka. Pour ses bonnes actions dans sa vie précédente quand il était Mâgha, il devint le roi des devas et cette première existence dura 36 millions d'années humaines environ. En voyant ensuite que sa mort était imminente, il vint pour entendre le Bouddha-dhamma. En écoutant le discours de Bouddha sur l'indifférence saine, il pratiqua la méditation Vipassana et atteignit le premier stade du chemin saint. Il fut ravi à cause de sa libération permanente des mondes inférieurs et à la perspective de jouir à nouveau du bonheur céleste pendant encore 36 millions d’années.

 

        2. Il se réincarnera dans la famille humaine de son choix quand sa vie dans le monde des devas prendra fin. Il est dit que le laps de temps de vie humaine diminue maintenant d’un an à chaque siècle. Environ 2500 ans se sont écoulés depuis le temps de Bouddha et nous devons donc supposer que le laps de temps de vie humaine a diminué de 25 ans. Cette supposition est plausible puisque aujourd'hui seulement quelques personnes vivent au-delà de 75 ans.

 


        La durée de vie de l'Homme va probablement être réduite à 10 ans dans les 6500 prochaines années. Il est dit qu'à ce moment-là les mets délicats comme le beurre, le miel, etc... auront disparu. Les bonnes variétés de riz appartiendront au passé et les grains de mauvaise qualité deviendront la meilleure alimentation principale.

 

        Les gens ne s’abstiendront plus de tuer, voler et d'autres méfaits. Les actes immoraux deviendront effrénés et plus personne n'aura de valeurs morales. Ceux qui ne respectent pas leurs parents, les personnes plus âgés ou les moines vertueux seront vantés et honorés par beaucoup de personnes. Même maintenant, il y a une tendance vers une telle indifférence de valeurs traditionnelles. De plus, il y aura des perversions sexuelles comme l'inceste et la vie morale de l'humanité dégénérera au niveau des animaux.

 

        Les gens deviendront extrêmement malveillants, agressifs et meurtriers, même envers leurs parents et propres enfants et la lutte fratricide marquera les rapports entre frères et sœurs. Il y aura des conflits armés, suivis par un holocauste qui mènera à la destruction mutuelle, avec des hommes se comportant comme des animaux. Il sera alors facile de produire des armes puissantes. La possibilité d'un tel holocauste n’est pas à écarter vue la production d'armes extraordinaires à notre époque.

 

        La destruction mutuelle conduira finalement l'humanité au bord de l'extinction totale. Seulement ceux qui ne voudront pas tuer ou être tués et qui prendront refuge dans les forêts, échapperont à la mort. Ce sera dur pour le peu de survivants de se rencontrer et ils se rencontreront seulement après avoir voyagé pendant de grandes distances. En conséquence, ils s'aimeront et s'abstiendront de meurtre et d'autres mauvais actes. Cela mènera à une augmentation graduelle de la durée de vie de l'homme et les gens feront à nouveau de bonnes actions, éviteront le mal et jouiront de longévité. Comme la renaissance de Sakka dans le monde humain aura lieu dans cette ère de développement, il s'associera avec de bonnes personnes.

 

        Sakka dit qu'il sera conçu dans l'utérus de sa mère en pleine conscience. Cela montre ce qui arrive naturellement à un Sotâpanna lors de son passage d'une existence à une autre. Évidemment, l’esprit d’un deva est clair et serein au moment de sa mort parce qu'il meurt sans souffrance. De même il n’est pas dérangé quand il est dans l'utérus de sa mère humaine. Le Sotâpanna humain aussi meurt sans confusion. Il peut être affligé de douleur physique mais sa conscience est claire et normale. Bien qu'il soit incapable de parler, il meurt avec un esprit libre de confusion et d'obscurité. Sakka était heureux parce qu'il allait mourir paisiblement et renaître dans le monde humain pour se réincarner dans la famille noble de son choix.

 

        3. Sakka dit qu'il aura grand plaisir à vivre avec les enseignements du Bouddha. Si le laps de temps de vie humaine doit diminuer d’un an à chaque siècle, il sera réduit à dix ans au bout de quatre-vingt-dix siècles. Supposons qu'une grande partie de la race humaine soit anéantie par une guerre nucléaire, Sakka aurait seulement neuf mille ans et continuerait à vivre plus de trente-cinq millions d'années. La durée de vie de l'homme moyen serait alors de centaines de milliers d'années.

 


        Vu la prédiction que les enseignements de Bouddha persisteront pendant seulement cinq mille ans et qu'il y aura une destruction massive au moment où l'humanité aura une durée de vie de dix années, on peut en déduire que le Bouddhisme sera éteint au moment du conflit mondial. Il n'y aura personne qui aura mémorisé le Bouddha-dhamma, il n'y aura pas non plus de livres Bouddhistes et d’Écritures saintes. Les inscriptions du Pitaka pourraient toujours exister en Birmanie, mais il n'y aura personne pouvant prêcher le Dhamma.

 

Cependant, puisque Sakka est un Sotâpanna le Dhamma restera frais dans sa mémoire comme c’est le cas pour tous les autres Ariyas. Donc, bien que le Bouddhisme sera inconnu à la majorité des gens de ce temps, il continuera à être une force vivante pour l'homme que sera Sakka. Il observera les cinq préceptes, comprendra le caractère impermanent, l’insatisfaction et le non-soi au niveau d'un Sotâpanna et surmontera quelques souillures. Autrement dit, il continuera à être un disciple sacré du Bouddha.

 

        Un Sotâpanna dans le monde immatériel (arûpaloka) n'oublie pas de pratiquer l’attention. Il peut contempler les processus mentaux et atteindre le stade d’Arahant. Il peut être dans le monde rûpavacara-brahmâ pendant la durée de vie du Bouddha suivant, mais étant un ancien disciple du Bouddha, il deviendra un Arahant et atteindra nibbâna. Ces Sotapannas ne deviennent pas les disciples du Bouddha suivant, mais pratiquent la méditation Vipassana comme les anciens disciples du Bouddha. C'est évident puisque quelques anciens disciples des six Bouddhas précédents se sont identifiés pendant la visite du Bouddha Gotama au royaume Suddhavâsa. Donc, il est injustifié de prier pour le stade d’Arahant sous la guidance d'un autre Bouddha si on a déjà atteint le stade de Sotâpanna avec les enseignements du Bouddha précédent.

 

        Sakka dit aussi qu'en vivant en accord avec le Bouddha-dhamma, il sera toujours attentif. Il continuera à pratiquer l’attention comme il la pratique maintenant. Cette perspective lui donnait beaucoup de plaisir parce qu'il était ainsi assuré de l'accomplissement successif d'autres compréhensions de la réalité.

 

        4. Sakka dit : "Seigneur, si par la pratique juste de la méditation Vipassana, j'atteins sambodhi, j'essaierai d'atteindre des compréhensions plus élevées. Le sambodhi que j'atteindrai en tant qu’être humain marquera la dernière de mes existences humaines."

 

        Ici sambodhi signifie les trois stades les plus hauts de la compréhension. Puis, il dit que plus tard, il redeviendra à nouveau le roi des devas et qu'après la réalisation du stade d’Anaganami (non-retournant) dans sa vie présente, il ira au royaume Suddhavâsa et que finalement, il atteindra le stade d’Arahant dans le royaume Akanittha. Vu ces déclarations, les écritures disent que sambodhi se réfère à la réalisation de Sakadagami (revenant une fois).

 

        Donc, Sakka sera au stade de Sakadagami (celui revenant une fois) quand il retournera dans le monde humain. Ce sera sa dernière existence liée à la vieillesse, à la maladie et aux autres souffrances de la vie humaine. C'est la quatrième raison pour laquelle il était joyeux.

 

        5. Sakka dit qu’après sa mort dans le monde humain, il deviendra à nouveau le grand deva (uttamo devo) dans les mondes célestes.

 

        Selon les écritures, il deviendra le chef deva dans le plan céleste Tâvatimsa. Ainsi, s'il doit renaître en tant qu’être humain, sa durée de vie humaine doit être la même que celle des devas dans Tâvatimsa. Sakka se réincarnant sur la terre doit être aussi vieux qu'une déité qui tient le rôle de roi des devas, autrement dit, il doit vivre pendant 36 millions d'années.

 

        Alternativement, le Sotâpanna Sakka pourra vivre pendant plusieurs durées de vies. Dans ce cas comment devons-nous comprendre les sept durées de vies d’un Sotâpanna ? Ici les renaissances de Sakka dans le monde humain devraient être comprises dans le même sens que celui d'un Anaganami (non-retournant). On dit que l’Anaganami est soumis à une seule renaissance. Il peut se réincarner jusqu'à cinq fois dans le royaume Suddhavâsa, mais puisque cela a lieu seulement dans le monde matériel et n'a aucun rapport avec les mondes matériels (arûpa) et sensuels, nous pouvons dire qu'il se réincarnera seulement une fois. De même, Sakka peut être conçu plusieurs fois dans le monde humain, mais comme sa renaissance est limitée à l'existence humaine, il peut être considéré qu’il ne renaîtra qu’une fois sur terre.

 

        Sakka était ravi à la perspective d'atteindre le stade de Sakadagami comme être humain et de sa renaissance comme roi des devas.

 

        6. Sakka dit "le monde Akanittha est appelé ainsi parce que là les devas sont dotés de pouvoirs, de richesses, de longévité et d'autres qualités. Ce sont les plus nobles devas. J'aurai ma dernière existence dans ce monde supérieur."

 

        Akanittha est le plus haut des cinq mondes Suddhavâsa. Bien que ses habitants soient appelés devas, ce sont en fait des brahmâs. Vraisemblablement, il y a beaucoup de brahmâs puisque l'on dit que chaque brahmâ a beaucoup de servants. Sakka sera Sakadagami sur terre et Anaganami (non-retournant) dans le monde des devas, d’où il ira à Aviha, qui est le premier des mondes Suddhavâsa. Après le passage par d'autres mondes célestes, il ira dans le monde Akanittha où il atteindra nibbâna.

 

        Selon les écritures, Sakka sera dans le monde brahmâ pendant 31000 kappas (cycles du monde). Il y a seulement deux autres individus, le marchand Anâthapindika et la grande disciple de Bouddha Visâkhâ, qui jouiront de la même longévité dans les mondes brahmâs. Ainsi, Sakka, Anâthapindika et Visâkhâ n'ont aucun égal pour leur haute qualité de vie, parmi les êtres soumis à la renaissance.

 

        Ainsi, la sixième cause de joie de Sakka fut la perspective d'atteindre nibbâna dans le monde Brahmâ Akanittha. Alors Sakka conclut :

"Seigneur, aujourd'hui je vous rends hommage de même que les devas rendent hommage aux Brahmâs. Seigneur, vous êtes le seul vrai Bouddha (Sambuddha). Vous êtes l'enseignant suprême qui peut instruire les devas et les êtres humains pour leur bien-être suprême. Dans les mondes de brahmâs, devas et des êtres humains vous n'avez aucun égal."

 

        Alors Sakka prononça trois fois : "Namo tassa bhagavato arahato sammâ-sambuddhassa" et salua joyeusement le Bouddha. Ici arahato signifie "parfaitement pur" et Sammâsambuddho "Celui qui connaît les quatre vérités nobles par lui-même."

 

        C'est la fin du Sakkapañha sutta. Ce discours a éveillé beaucoup d’êtres humains, comme ce fut le cas pour Sakka et beaucoup d'autres devas. Ceux qui étudient et appliquent son enseignement atteindront certainement une connaissance peu commune sur le noble chemin Ariya.

 

 

 

 

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