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SAKKAPAÑHA SUTTA

(2ème partie)

 

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Discours du Vénérable Mahasi Sayadaw

Traduit par Vipassanasangha

______________

 

 

 


Amour et Haine

 

"Seigneur, quelle est la cause de la jalousie et de la malveillance ? Que devons-nous faire pour en être libres ?"

 

         Le Bouddha répondit : "Roi des devas la jalousie et la malveillance sont causées par les objets d'amour et de haine. Si de tels objets n’existaient pas, il n'y aurait aucune jalousie ni malveillance."

 

        La façon d’éliminer la souffrance est d'éliminer sa cause, tout comme pour guérir une maladie, un médecin compétent cherche sa cause et l'élimine. Le Bouddha définit l’amour et la haine comme la cause du malheur de l’humanité.

 

        Les objets d'amour sont les choses vivantes et non vivantes qui nous font plaisir, comme des hommes, des femmes, des vues, des sons, etc. et les objets de haine sont les choses qui nous déplaisent. Nous envions quelqu'un que nous n'aimons pas et qui possède des objets de valeur. La malveillance nous envahit quand nous ne voulons pas que d'autres aient les objets auxquels nous sommes attachés.

 

Ainsi, la jalousie et la malveillance ont leurs racines dans les personnes détestées et les objets aimés. L'objet de notre envie est habituellement quelqu'un que nous détestons. Cependant, si la personne qui nous dépasse est une personne aimée, cela ne cause pas la jalousie, mais la joie. Un garçon qui surpasse ses parents ne suscite pas la jalousie en eux, au contraire ils seront fiers de ses qualités supérieures.

 

        L'homme qui est malveillant refuse aux autres ses richesses, l'utilisation de ses biens et ses amis. Des hommes et des femmes jaloux se fâchent si leurs conjoints ont des relations proches avec des personnes du sexe opposé ou si elles engagent une conversation amicale. Bref, macchariya est la tendance à être excessivement possessif, à s'opposer à toute proche relation avec les choses aimées et d'autres personnes et est donc enraciné dans l’amour et la haine.

 

 

Le Désir est la Cause de l'Amour et de la Haine

 

        Sakka demanda alors au Bouddha la cause de l'amour et de la haine. Le Bouddha répondit que le désir était la cause de l'amour et de la haine. Ici, le désir auquel le Bouddha se réfère n'est pas le désir sain, mais le désir associé au plaisir et à l’avidité (tanhâ chanda).

 

        Le désir est de cinq sortes :

 

1.  Le désir insatiable de rechercher des objets des sens. Ce désir est le moteur puissant d’activités incessantes de l'homme jusqu'au moment de sa mort dans chaque existence.

 

2.  Le désir insatiable d'obtenir des objets des sens. Quand un désir est satisfait, un autre désir surgit et de cette façon le désir avide n’en finit jamais. Il n’est pas étonnant que même les millionnaires éprouvent une grande avidité pour plus de richesses et d’argent au lieu d'être contents de ce qu'ils ont.

 

3.  Le désir insatiable de profiter de divers objets des sens et de choses matérielles. Les gens qui aiment les spectacles, les chansons, etc... ne s’en lassent jamais.

 

4.  Le désir insatiable d’amasser l’or, l'argent, etc... sous n'importe quelle forme, pour être utilisé en cas d'urgence.

 

5.  Le désir de donner de l'argent à ses amis, employés, etc.

 

        Ces cinq sortes de désirs génèrent l’amour et la haine. Les objets et les êtres vivants qui aident à satisfaire nos désirs causent l’amour, tandis que ceux qui entravent nos désirs causent la haine.

 

        Sakka demanda ensuite au Bouddha l'origine du désir. Bouddha répondit que le désir est causé par la pensée discursive (vitakka). Selon les commentaires, vitakka signifie penser et décider.

 

Vitakka est de deux sortes : l’une est basée sur le désir tandis que l'autre a son origine dans la croyance. Autrement dit, vous pensez et vous décidez quand vous considérez un objet des sens, ou une personne comme un objet plaisant et désirable ou lorsque vous considérez un objet vivant comme une personne ou un être. Ainsi, si vous n'êtes pas attentifs au moment de l'observation, de l'audition, etc… vous pensez et vous décidez, et cette action mentale mène à l’avidité et à l'attachement.

 

        Puis Sakka demanda au Bouddha la cause de vitakka. Le Bouddha répondit que vitakka est due à la perception, qui a tendance à s’étendre ou à se répandre (papañcasañña).

 

Il y a trois sortes de perception : l’avidité (tanhâ), la vanité (mâna) et la vue fausse (ditthi). Une personne non attentive devient habituellement la proie de l’un de ces trois facteurs. Elle accroît chaque objet des sens qu'elle perçoit et s’en souvient à cause de son attachement, de sa vanité ou de sa vue fausse (l’illusion de l’ego). Comme une petite photographie qui peut être agrandie, chaque image mentale ou pensée se prête à l'expansion.

 

 

La conquête de l’avidité, etc...

 

         Au moment de voir, on voit seulement la forme visible, ensuite la réflexion suscite l’avidité, la vanité et la vue fausse (l’illusion de l'ego). L’avidité la fait apparaître plaisante et l'amplifie. Il en est de même avec la vanité et l’illusion de l'ego. Par la suite, chaque souvenir de ce qui est vu génère la pensée et la décision, qui causent à leur tour le désir. De nouveau, le désir suscite l'amour et la haine qui entraînent la frustration et la souffrance de l’humanité.

 

        En réponse à la demande de Sakka, le Bouddha expliqua le moyen de surmonter l’avidité, la vanité et l’illusion de l'ego. Selon lui, il y a deux sortes de sentiments plaisants et deux sortes de sentiments déplaisants : les sentiments plaisants ou déplaisants que nous devrions nourrir et les sentiments plaisants ou déplaisants que nous devrions éviter. Puis il y a les sentiments neutres de l’équanimité que nous avons quand nous ne sommes ni heureux, ni malheureux. L'équanimité est aussi de deux sortes.

 


        Le sentiment plaisant, déplaisant ou neutre doit être nourri s'il mène aux états sains de conscience ; il devrait être évité s'il mène aux états malsains de conscience. Les commentaires décrivent cet enseignement comme la pratique de vipassana sur le noble chemin.

 

        Le texte Pâli de l'enseignement du Bouddha peut être traduit comme suit :

 

"Sakka, j'enseigne deux sortes de sentiments plaisants : le sentiment plaisant qui doit être nourri et le sentiment plaisant qui doit être évité.

 

Si vous savez qu'un sentiment plaisant aide à développer les états sains de conscience et gêne les états malsains de conscience, vous devriez héberger un tel sentiment.

 

Si vous savez qu'un sentiment plaisant aide à développer les états malsains de conscience et gêne les états sains, vous ne devriez pas nourrir un tel sentiment.

 

Le sentiment plaisant est de deux sortes : celui qui est lié à la pensée et à la réflexion et celui qui est non lié avec ces activités mentales. De ces deux sentiments, le sentiment plaisant qui n'a aucun rapport avec la pensée et la réflexion est bien supérieur."

 

 

Sentiments Plaisants et Pensées Malsaines

 

        Les sentiments plaisants qui mènent aux pensées malsaines sont enracinés dans les objets des sens. La plupart des personnes sont préoccupées par les objets des sens comme le sexe et la nourriture. Si elles obtiennent ce qu'elles veulent, elles se réjouissent. Cependant, leur joie génère plus de désir et ainsi pour beaucoup de personnes leur prétendu bonheur est fondé sur le désir. Si leur désir n'est pas satisfait, elles sont frustrées et malheureuses. Cela montre l'effet de pensées malsaines, qui met en jeu les agents d'expansion, à savoir l’avidité, la vanité et la vue fausse.

 

Les sentiments plaisants que nous devrions éviter sont mentionnés dans le Sâlâyatanavibhanga Sutta du Majjhima nikâya. Le discours assimile ses objets des sens aux logements parce qu'ils maintiennent les gens confinés. Les gens tirent leur plaisir dans les contacts entre eux ou dans les souvenirs de ces contacts. Il y a six sortes de sentiments plaisants enracinés dans les six objets des sens et leurs organes des sens respectifs.

 

        La façon d'éviter les sentiments plaisants, mais malsains, est d’être attentif au moment de voir, etc. Si les pensées liées aux sens causent du plaisir, le méditant doit les noter et les rejeter. Cependant, celui qui débute ne peut pas suivre et noter tous les processus mentaux, il commence donc par l'objet de contact et prend conscience des éléments primaires : terre, eau, feu, air (pathavî, âpo, tejo, vâyo).

 

        Dans le Satipatthâna Sutta le Bouddha dit "En marchant le méditant sait « je marche » (Gacchanto vâ gacchâmi ti pajânâti)." Cette citation se réfère à la claire conscience de la rigidité et du mouvement (vâyo), mais tandis qu’il note la marche, le méditant est aussi conscient de la dureté et de la douceur (pathavî) dans les pieds et dans le corps, ainsi que de la chaleur et du froid (tejo) et de la lourdeur et de l'humidité (âpo). Quoique l'élément âpo soit intangible, on peut le reconnaître par le contact avec les autres éléments qui y sont liés.

 

        Les méditants de notre centre de méditation à Rangoon commencent par le contact et le mouvement de l'abdomen qui est le plus facile et le plus évident à noter en étant assis. La tension et le mouvement dans l'abdomen sont les marques de l'élément vâyo. Ils notent (dans leur langue propre) l'abdomen qui se lève et se baisse. Cette pratique a aidé beaucoup de méditants à atteindre des compréhensions et à faire des progrès significatifs sur le noble chemin.

 

        Au début, le méditant observe constamment l'abdomen qui se lève et se baisse. Il note tout objet mental qui apparaît pendant qu’il se concentre. Un sentiment de joie peut surgir mais il disparaît quand il est noté et ne dérange pas le méditant qui continue à observer l'abdomen qui se lève et se baisse. Quand le Bouddha parle de joie malsaine, cela signifie que nous devrions nous concentrer sur l'esprit et le corps pour détourner la joie liée aux sens et que si une telle joie surgit nous devrions la noter et la rejeter immédiatement.

 

 

Joie Saine

 

        Il y a la joie saine, que Bouddha décrit dans le même discours comme suit : Ayant compris le caractère éphémère : l’impermanence, et la dissolution de la matière, le méditant sait que tout ce qui est matériel est soumis à l’impermanence (anicca) et est insatisfaisant (dukkha). Cette connaissance de la compréhension de la réalité cause la joie et une telle joie peut être décrite comme un sentiment plaisant lié à la libération du désir pour les plaisirs des sens.

 

        Cela fait partie de l'enseignement du discours. Les commentaires ajoutent que le méditant est joyeux parce qu'il a atteint la compréhension de l’impermanence, etc... suite à son attention aux six objets des sens. Une telle joie est saine et désirable.

 

        Les commentaires décrivent quatre sortes de joie saine :

 

  • 1) La joie due à la renonciation aux affaires du monde,
  • 2) La joie associée à la pratique de Vipassana,
  • 3) La joie basée sur la contemplation du Bouddha, etc…
  • 4) La joie résultant de l'absorption du premier jhâna, etc…

 

        Certaines personnes sont joyeuses quand elles pensent à leur renonciation aux affaires du monde, à leur ordination comme bhikkhus (moines), à la pratique de la discipline monastique, à la concentration et ainsi de suite. Cette joie est saine puisqu'elle est liée à la renonciation et dissociée de la vie laïque. Ainsi, ils sont joyeux quand ils entendent un discours sur le Dhamma ou quand ils vont dans un centre de méditation pour pratiquer la méditation Vipassana.

 

        La joie provenant de Vipassana peut être la joie qui surgit tandis que l'on est attentif. La joie la plus haute est la joie associée à udayabbaya ñana (la compréhension de l'apparition et de la disparition de tous les phénomènes).

 


        La joie que nous avons quand nous contemplons le Bouddha, etc… est évidente. Les commentaires disent que la concentration sur la joie provenant de la contemplation du Bouddha, du Dhamma, de la Sangha, de sa moralité, de sa générosité et des êtres célestes, peut provoquer la connaissance et la réalisation du chemin. Même le stade d’Arahant peut être atteint si le méditant note et voit la dissolution et la cessation de la joie (pîti) qui nait de ces six contemplations. Pîti implique la joie et la joie qui provient des six contemplations est saine. Il en est de même de la joie basée sur les trois jhânas ou leurs voisins(upacâra samâdhi).

 

        Des quatre sortes de renonciation, rejoindre la Sangha signifie la liberté par rapport aux liens matrimoniaux. Celui qui pratique la méditation vipassana est aussi à distance de l'attachement et de tous les objets des sens. Les commentaires de l'Itivuttaka décrivent l'ordination, le premier jhâna, nibbâna, vipassanâ et tout le noble dhamma comme la renonciation (nekkhamma).

 

        La joie qui est marquée par vitakka-vicara est de deux sortes : le bonheur (sukha) qui est associé à la concentration d'accès (upacâra samâdhi) et le bonheur associé au premier jhâna.

 

Comme mentionné auparavant, il y a divers types de joies mondaines : la joie pour son ordination, la joie qui résulte de la pratique de vipassanâ, la joie de penser au Bouddha, etc. Il y a aussi quatre sortes de joie supra mondaine associées aux quatre chemins du premier jhâna.

 

        Supérieurs à ces types de joie sont ceux qui n'ont aucun rapport avec vitakka-vicâra. Ce sont les attributs du second jhâna ; qui sont marqués par la joie (pîti), le bonheur (sukha), l’unification de l’esprit en un seul point (ekaggatâ) et le troisième jhâna, qui est aussi marqué par la joie et ekaggatâ.

 

Une telle joie jhânique est une joie mondaine. De même la joie liée aux quatre chemins supra mondains et aux deuxième et troisième jhânas est libre de vitakka-vicâra et est donc saine. Ces seconde et troisième joies jhâniques sont bien supérieures à la première joie jhânique et à la joie associée aux pensées saines dans la sphère des sens ; il en est de même  pour la joie de vipassanâ résultant de l’attention à la deuxième et troisième joie jhânique.

 

        Une discussion à propos de ces joies avec ou sans vitakka-vicâra est au-delà de la compréhension de ceux qui ont peu de connaissances des écritures saintes. Elle peut être comprise profondément seulement par ceux qui ont atteint des jhânas.

 

        Selon les commentaires, quand Sakka demanda au Bouddha comment surmonter le désir, la vanité et la vue fausse (tanhâ, mâna, ditthi), il questionnait le Bouddha au sujet de la pratique de vipassanâ sur le noble chemin. Le Bouddha expliqua le plaisir sain, le mécontentement sain et l'indifférence saine comme le remède. Cela peut être difficile à comprendre pour les gens ordinaires, mais la réponse de Bouddha fut appropriée à la question.

 

        Pour les devas, l’esprit est plus évident que la matière et parmi les éléments de l’esprit, la perception des sensations est le plus manifeste des éléments. Donc, Bouddha dit à Sakka d’observer ses sensations (vedanâ). Dans beaucoup d'enseignements du Bouddha sur la méditation vipassanâ l’observation de rupa a la priorité sur l’observation de la conscience. C'est aussi vrai pour le Sakkapañha Sutta mais ici aucune mention n'est faite de rupa puisque c'est implicite dans l’observation des sensations.

 

 

Méditation vipassanâ

 

        Le but de la pratique de la méditation vipassanâ est de noter tous les phénomènes psycho-physiques qui résultent du contact avec les objets de sens. Cela implique l'effort d'observer empiriquement tous les phénomènes comme ils sont vraiment, associés à leurs caractéristiques comme l’impermanence, etc.

 

Au début le méditant ne peut pas se concentrer sur chaque processus mental et physique et donc il devrait commencer par quelques objets évidents. Quand il marche, il devrait noter 'marcher' etc. Il devrait observer chaque action physique et de cette façon il prendra l'habitude d’être conscient de l'élément air et des autres éléments primaires. Cela relève de l'enseignement du Satipatthâna Sutta : "en marchant le méditant sait ‘je marche’ (Gacchanto vâ gacchâmiti pajânâti)."

 

        Le méditant a tendance à être mou s'il se concentre seulement sur une position, par exemple, ‘assis’. Ainsi, pour le maintenir attentif, nous lui apprenons à se concentrer sur la montée et la descente de l'abdomen. Avec le développement de la concentration, il prend conscience de l'élément air (vâyo) quand il se concentre sur la montée et la descente de l'abdomen.

 

Plus tard, deviennent claires pour lui la distinction entre la montée, la descente de l'abdomen et la conscience ; entre l’élévation du pied et la conscience et ainsi de suite... Cette compréhension distincte de l’esprit et de la matière est appelée nâmarûpapariccheda ñana.

 

        Avec ce nouveau développement de la concentration, le méditant sait qu'il plie sa main à cause du désir de la plier, qu'il voit parce qu'il a des yeux et qu’il y a un objet à voir, qu'il sait parce qu’il y a un objet à être connu, qu'il ne sait pas parce qu’il n’est pas attentif, qu'il aime une chose à cause de son ignorance, qu'il cherche à réaliser son désir à cause de son attachement, que des bons ou mauvais résultats suivent ses actions etc. C'est paccayapariggaha ñana ou la compréhension de la loi de cause et d'effet.

 

        Cela est suivi par sammasana ñana, qui signifie la compréhension de anicca, dukkha, anatta : des caractéristiques impermanentes, insatisfaisantes et impersonnelles de tous les phénomènes, une compréhension née de l’observation de leur apparition et disparition.

 

        Le méditant sait que tout surgit et disparaît rapidement. Sa perception est si pénétrante que rien n'échappe à son attention. Il a tendance à voir des lumières et à être excessivement extasié et joyeux. Ce sentiment plaisant survient avec la compréhension extraordinaire (udayabbaya ñana) du flux de l’esprit et de la matière (nama-rupa). Il surpasse toutes les autres sortes de joie et est décrit comme un état mental que nous devrions souhaiter. Le Dhammapada parle de la joie sans pareil et de l'extase surgissant quand le méditant contemple le Dhamma correctement, c'est-à-dire le caractère impermanent de l’esprit et de la matière (nama-rupa). Cet état de conscience est appelé l'Immortel (amata) parce que c'est le signe avant-coureur de nibbâna, que le méditant atteindra sûrement s'il lutte pour cela avec foi, volonté et diligence.

 

        Le ravissement et la joie sont appelés pamojja et pîti en Pâli.

Pamojja est le ravissement qui apparaît avec la compréhension de l'impermanence, de l’insatisfaction et du non soi : les caractéristiques de tous les phénomènes (sammasana ñana).

Pîti signifie la joie extrême qui accompagne udayabbaya ñana : la rapide perception de l’apparition et de la disparition des phénomènes. Il se développe quand le méditant est attentif à la montée et à la descente de l'abdomen, ou aux sensations dans le corps, ou quand son attention est centrée sur ses mouvements physiques. Il souffre rarement de douleur insupportable. Si la douleur arrive parfois, elle disparaît immédiatement aussitôt qu'il la note et il est extrêmement ravi. Cette exaltation continue à être intense tant qu'il est attentif à la rapidité avec laquelle chaque phénomène apparaît et disparaît.

 

        Comme pour les trois premiers jhânas, le méditant est très heureux quand il atteint udayabbaya ñana. À cette étape, il décrit son bonheur comme une expérience inexprimable qui surpasse tous les états semblables de conscience. Dans le Sakkapañha Sutta ceci est appelé sevitabbasomanassa, c'est-à-dire le sentiment plaisant que nous devrions rechercher.

 

 

Sentiments Désagréables à Rechercher ou à Éviter

 

        Le discours mentionne deux sortes de sentiments désagréables : le sentiment désagréable qui mène à un kamma malsain (actions, paroles ou pensées) et le sentiment désagréable qui mène à un kamma sain. Le premier sentiment doit être évité tandis que le second sentiment est bienvenu. Les sentiments désagréables qui aboutissent à un kamma sain sont louables car ils contribuent à la pratique de jhâna, le noble chemin et sa réalisation, mais ils ne devraient pas être délibérément recherchés.

 

        Le Sutta Salâyatanavibhanga nous dit quel genre de tristesse nous devrions accueillir et quel genre de tristesse nous devrions éviter. Nous avons en général de la peine quand nous n’avons pas d'objets de sens plaisants, désirables ou si nous nous souvenons ne pas les avoir obtenus dans le passé.

Nous sommes malheureux quand nous devons faire face aux dangers, nous nous inquiétons sur la possibilité de souffrances dans l'avenir, ou quand nous pensons à notre souffrance passée. De tels sentiments désagréables ne nous font pas du bien, ils produisent seulement douleur et des pensées malsaines.

 

        Ceux qui hébergent de tels sentiments désagréables ne peuvent pas contempler l'image du Bouddha avec ardeur et concentration parce qu'ils sont distraits. Un esprit calme est essentiel si on veut que la contemplation du Bouddha soit efficace. Sans cela il n’y aura que des pensées malsaines. Ces sentiments sont aussi une entrave pour les bonnes actions, nous devrions donc essayer de les surmonter. Toutefois, certaines personnes semblent accueillir la souffrance et ne vous aiment pas si, par exemple, vous leur dites de ne pas souffrir pour la perte de personnes qui leur sont chères. Au contraire, elles vous remercient si vous dites quelque chose qui justifie leur chagrin.

 

        Nous devrions garder à l'esprit la loi du kamma, l'enseignement de Bouddha : tout arrive selon nos actions, et supporter nos malheurs calmement. Le meilleur remède en cas de crise est la pratique de la méditation samatha ou vipassana. Si la tristesse, le chagrin ou la dépression nous affligent pendant notre méditation, de tels états malsains de conscience doivent être notés et éliminés. Bouddha décrit la méthode Satipatthâna comme la seule façon de surmonter le chagrin et éradiquer toute la souffrance. Tant que nous restons attentifs, selon l'enseignement de Satipatthâna, nous ne serons jamais déprimés et si la dépression surgit, elle disparaît aussitôt que nous focalisons notre attention sur elle.

 

        Il y a beaucoup de choses dans la vie qui nous rendent malheureux : désirs frustrés, manque de succès, perte et ainsi de suite. Ruminer nos malheurs mène à la dépression que nous devrions surmonter par l’attention. Notre méthode est d’observer constamment la montée et la descente de l’abdomen, le fait d’être assis, etc.

 

        La pratique de l'attention était cruciale pour Sakka, car face à sa mort imminente, qui provoquerait sûrement la perte du bonheur céleste et des plaisirs des sens, il était très déprimé. Donc, l'enseignement de Bouddha fut réaliste et très important.

 

        Je donne maintenant une traduction du texte Pâli dans le Salâyatanavibhanga Sutta sur le sentiment désagréable que nous devrions accueillir :

 

"Après avoir observé et compris le caractère éphémère des formes visuelles, leur dissolution et disparition, le méditant réalise une vraie compréhension de la nature des choses comme elles sont, c'est-à-dire leur caractère éphémère, insatisfaisant et impersonnel. En conséquence, le désir d’atteindre le but du noble chemin et la noble liberté surgit en lui. Il attend avec impatience le jour où il atteindra la demeure des Ariyas (Saints) qui ont gagné une telle liberté. Ce désir pour la libération cause de la douleur et de la tristesse. Ce sentiment désagréable est appelé nekkhamassita-domanassa, qui est la douleur ou la tristesse (domanassa) en raison du désir pour la renonciation."

 

        Ceux qui observent les phénomènes physiques et mentaux quand ils naissent des six sens comprennent leur caractère éphémère, etc et avec une simple compréhension théorique du noble dhamma, ils peuvent continuer à méditer dans l'espoir d'atteindre le but. Cependant si leur espoir ne se réalise pas en temps utile ils seront déprimés. Cette douleur mentale est causée par le désir de la renonciation.

 

        En voici une explication. Le méditant qui manque d'expérience dans samatha, jhana ou dans la concentration commence par la contemplation de l’esprit et du corps résultant des six organes des sens. Cependant, ce n'est pas facile pour un débutant de suivre ce processus à fond. On lui conseillera tout d'abord de commencer par les quatre éléments primaires comme suggéré dans le Visuddhimagga ou avec l'élément air (mouvement) dans la montée et la descente de l'abdomen, une méthode que nous apprenons dans notre centre de méditation.

 

        Tandis qu'il est attentif à la montée et à la descente de l'abdomen, il doit noter toute pensée (intention, désir, etc...), sensation (chaleur, douleur, etc...) ou contact avec des objets des sens (voir, entendre, etc...) qui apparaissent.

Cependant, quand la concentration est faible, la vraie nature de l’esprit et du corps n'est pas apparente. Avec le développement de la concentration l’esprit devient calme, pur et libre d'entraves. Chaque pensée ou sentiment est noté et éradiqué. Le méditant a alors atteint le stade de la purification de l'esprit (cittavisuddhi).

Plus tard, il fait la distinction entre l’esprit et la matière. C'est la compréhension pénétrante de l’esprit et de la matière (nâmarûpapariccheda ñana) et la purification de vue (ditthivisuddhi). Le méditant réalise la nouvelle compréhension des causes et des effets (paccayapariggaha ñana) et devient libre de tous les doutes (kankhâvitaranavisuddhi).

 


        Le méditant comprend maintenant clairement que chaque phénomène est soumis au caractère éphémère, à l’insatisfaction et à l’impersonnalité (sammasana ñana) et il perçoit rapidement la dissolution instantanée de tout ce qui surgit (udayabbaya ñana). À ce stade le désir d’être libéré surgit. Il désire atteindre un certain stade sur le noble chemin dans une période limitée de temps. Si son espoir n'est pas réalisé, il est triste et déçu, en proie au doute et au désespoir, mais ce sentiment peut aussi servir de motivation à l’effort, c'est une bénédiction déguisée - quoiqu'elle ne doive pas être recherchée délibérément.

 

        Bien sûr la meilleure chose à faire pour le méditant est de faire des progrès ininterrompus afin que ses compréhensions et expériences lui apportent du plaisir. Donc, le discours met l'accent sur la joie plutôt que sur la douleur dérivée de la renonciation. Néanmoins, pour le méditant qui échoue à réaliser son but dans le temps souhaité, la dépression sera inévitable.

 

        Dans notre centre de méditation nous expliquons les stades successifs de compréhension à certains méditants avancés pour les aider à évaluer leurs expériences. Nous limitons cet enseignement à une petite élite parce que cela ne sert pas ceux qui n'ont aucune expérience dans la méditation. C'est seulement bénéfique pour les méditants avancés dans la mesure où cela sert d'éperon à de nouveaux efforts. Ceux qui souhaitent entendre nos enseignements sans avoir acquis des compréhensions suffisantes deviennent déçus quand leur désir n’est pas réalisé. Cette déception leur sera bénéfique puisqu'elle les encourage à faire plus d'efforts et les conduit aux expériences conformes à nos enseignements, qu'ils peuvent joyeusement évaluer.

 

        Il y a des méditants qui sont découragés à cause de leur faible concentration au début, mais certains redoublent leurs efforts et atteignent des compréhensions peu communes. Il se peut donc que le méditant tire profit de son désespoir. Selon les commentaires, nous devrions accueillir le désespoir qui provient de nos désirs frustrés en rapport avec la renonciation, la méditation, la réflexion (anussati) et le jhâna. Nous devrions tirer parti du désespoir ou de la souffrance vis-à-vis de notre incapacité à devenir un bhikkhu (moine), à pratiquer la méditation, à entendre le Dhamma, ou même à visiter une pagode. L'histoire d'une femme Bouddhiste au Sri Lanka est un exemple de cette douleur saine :

 

        Les parents de cette femme allèrent dans une pagode, laissant leur fille à la maison parce qu'elle attendait un bébé. Comme la pagode n'était pas loin, elle la vit illuminée et entendit le Dhamma récité par les moines. Son cœur se serra à la pensée de son mauvais kamma qui l'empêchait d'aller avec ses parents à la pagode. Puis elle se réjouit pour le bon kamma des pèlerins qui y étaient présents. Sa réjouissance se métamorphosa en extase (ubbega-pîti) et soudainement elle s'éleva dans les airs et se retrouva devant la pagode. Ainsi, la douleur saine de cette femme l’aida à provoquer miraculeusement l'accomplissement de son désir sain.

 

        Les commentaires du Sakkapañha Sutta citent l'histoire du Vénérable Mahâsiva pour illustrer la douleur saine qui mène au stade d’Arahant.

 


        Le Vénérable Mahâsiva était un grand enseignant qui avait beaucoup de disciples. Ceux qui pratiquèrent la méditation Vipassana avec ses conseils devinrent Arahants. L’un de ces Arahants, voyant que son professeur n'avait pas encore atteint le but suprême, lui demanda de lui enseigner une leçon sur le Dhamma. Le Vénérable Mahâsiva répondit qu'il n'avait pas le temps pour la leçon, étant occupé toute la journée à répondre aux questions de ses disciples, pour dissiper leurs doutes etc.

 

        Alors le bhikkhu dit : "Vénérable, vous devriez avoir au moins le temps de contempler le Dhamma le matin. Sinon, vous n'aurez même pas le temps de mourir. Vous êtes le soutien des autres alors que vous n’êtes d’aucun soutien pour vous-même. Je ne veux donc pas de votre leçon." Après avoir énoncé cela, il s’en alla en s'élevant dans les airs.

 

        Le Vénérable Mahâsiva se rendit compte que le bhikkhu n'était pas venu pour apprendre le Dhamma, mais pour l'avertir de sa suffisance. Désillusionné, il quitta le monastère et se retira dans un endroit isolé, où il pratiqua la méditation Vipassana avec énergie.

 

Cependant, malgré ses efforts persistants et minutieux, il ne réussit pas à acquérir les compréhensions ordinaires, et même après de nombreuses années il était toujours loin du but. Il devint extrêmement déprimé et commença à pleurer quand une déesse apparut et se mit à pleurer aussi. Le Vénérable lui demanda pourquoi elle pleurait et elle répondit qu'elle croyait pouvoir atteindre des compréhensions en pleurant.

 

        Cela fit reprendre ses esprits au Vénérable. Il pratiqua l'attention et réussit à atteindre les stades successifs d’éveil du noble chemin, puis finalement le stade d’Arahant. Après tout, un méditant peut atteindre la compréhension rapidement avec des circonstances favorables. L'échec initial du Vénérable, malgré ses efforts vigoureux, provenait de sa tendance à réfléchir à ses vastes connaissances.

 

        Ainsi, la tristesse qui a incité le Vénérable Mahâsiva à faire des efforts sur le chemin est la douleur saine que nous devrions accueillir. Le Sakkapañha Sutta mentionne deux sortes de douleur saine : l’une liée à la pensée discursive et l'autre sans pensée discursive, mais en réalité chaque douleur est liée à la pensée et nous parlons de la douleur qui est sans pensée seulement métaphoriquement.

 

        En bref, la douleur est malsaine si elle provient du désir des sens ou des affaires mondaines et nous devrions éviter les pensées qui mènent à une telle douleur. Si la douleur surgit spontanément, nous ne devons pas l'héberger, mais devrions focaliser l’esprit sur d'autres objets et elle disparaîtra d’elle-même.

 

D'autre part, la douleur est saine quand elle résulte de nos efforts frustrés d’évoluer dans notre vie spirituelle, comme l’effort pour rejoindre la Sangha (l'Ordre Saint), l’effort d’atteindre des compréhensions etc. Nous devrions accueillir une telle douleur car cela peut nous stimuler à faire de plus grands efforts et nous mener à progresser sur le noble chemin. Cependant, cela ne devrait pas être cherché délibérément. Le mieux est d'éprouver la joie saine dans la recherche de l’éveil.

 

 

 

 

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